vendredi 10 août 2012


Niger ex-Tuareg rebel makes a guitar his weapon

BBC
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Abdallah Oumbadougou, a former Tuareg rebel, is one of Niger's most renowned musicians.
He recently visited the United Kingdom - for the first time - to play at the Womad festival and at a few concerts in London, where he promoted his new album, Zozodinga.
He also came to our BBC Africa studios and told journalist Olivier Weber about his music and about the situation in neighbouring Mali, where Islamist militants and Tuareg rebels have taken over the north of the country.
"My weapon is the guitar. We should be together and we should live in peace all over Africa," he said.
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Libye : Mohammed Magarief, numéro un du parti Front national, est élu président de la nouvelle assemblée nationale libyenne.
RFI

jeudi 9 août 2012

Urgent:selon plusieur source a kidal,ansar adine aurais demandé à la population de venir assisté demain à l'exécution de plusieur personne accusé de meurtre...à suivre

Entretien avec Mehdi Taje, géopoliticien, spécialiste des méthodologies de la prospective «Il n’est plus possible de poser la problématique du Maghreb en l’isolant du flanc sud sahélien»


Entretien avec Mehdi Taje, géopoliticien, spécialiste des méthodologies de la prospective
«Il n’est plus possible de poser la problématique du Maghreb en l’isolant du flanc sud sahélien»

Mehdi Taje, diplômé de l’Université Paris V René-Descartes et du Collège de défense de l’OTAN à Rome, poursuit un doctorat à l’Université de Paris la Sorbonne sur «la géographie politique de l’espace sahélien : d’une analyse de la conflictualité à une recherche prospective».

Expert en géopolitique et en méthodologies de la prospective et de l’anticipation, il enseigne ces disciplines à l’Université Virtuelle de Tunis, à l’Institut de Défense nationale (IDN, Tunis), à l’Institut de développement des compétences des hauts fonctionnaires (ENA, Tunis) et à l’École supérieure des Forces de sécurité intérieure. Parallèlement, M. Taje a été jusqu’à mars 2012 et durant sept années expert auprès de l’Institut tunisien des études stratégiques (ITES, Présidence de la République) et a représenté la Tunisie au sein du comité de pilotage du CEMRES (Centre euro-maghrébin de recherche et d’études stratégiques, Dialogue 5+5 au format défense). De janvier à juin 2010, Mehdi Taje a été chargé des questions africaines et sahéliennes à l’Irsem (Institut de recherche stratégique de l’École militaire de Paris). Il continue à y collaborer aujourd’hui en tant que chercheur associé. Il a également apporté son expertise auprès de grands groupes industriels français et tunisiens. M. Taje assure régulièrement des interviews audio et télévisuelle auprès de médias maghrébins et internationaux. Enfin, il est l’auteur d’une monographie sur la géopolitique du théâtre sahélien (NDC Occasional Paper, n°19, décembre 2006) et de nombreux articles balayant de larges champs géographiques (espace sahélien, Maghreb, Afrique, théâtre méditerranéen, terrorisme, prospective, etc.) au sein de revues françaises, tunisiennes, maghrébines et américaines.

Le Matin : Le 22 mars 2012, il y a donc moins de 5 mois, l’armée malienne, au travers d’un coup d’État, limogeait l’ancien président Amadou Toumani Touré. Depuis, c’est une crise politique, une crise humanitaire sans précédent qui prévaut dans un Mali désintégré. Vous travaillez sur cette région depuis plusieurs années. Quelle analyse faites-vous des enjeux de cette crise dans une région marquée par des flux de toute nature, religieux, financiers, démographiques, etc. ?
Mehdi Taje : Tout d’abord, je tiens à préciser que je m’exprime dans le cadre de cet article à titre de chercheur indépendant. L’espace sahélien, tourmenté, sous-administré et sous-défendu est travaillé depuis longtemps par des lignes de fractures et des facteurs de tension justifiant, à la faveur de l’incubateur libyen, l’explosion de la crise malienne, risquant par effet de contagion de déstabiliser toute la zone. En tant que géopoliticien, je crois énormément à la rémanence historique, c’est-à-dire à la nécessité d’inscrire les événements sur le temps long de l’histoire afin de ne pas se laisser abuser par le poids du présent, du sensationnel et de la géopolitique spectacle, trop souvent véhiculée par certains médias. En ce sens, relativement aux événements secouant le Sahel et notamment la crise malienne, il convient de prendre de la hauteur. En tenant compte de cette idée, l’espace sahélien, véritable polygone de crises, générateur de conflits ulcéreux, est travaillé par des lignes de fractures inscrites dans le temps long de l’histoire et qui continuent à produire leurs effets, et par des éléments plus récents se surajoutant et amplifiant la vulnérabilité de ce champ. Nous pouvons citer ainsi la géographie même de cet espace, dite désertique, favorisant une remise en question des frontières établies par les États, l’étatisation post-coloniale de l’espace ayant bouleversé les frontières ethniques et les modes de vie traditionnels, notamment la libre mobilité des hommes et des biens, caravanes, commerce, transhumance et nomadisme. C’est ce télescopage entre l’autorité étatique et l’autorité traditionnelle des populations nomades touaregs, Toubous au Tchad, etc., qui participe à l’explication du système de conflit que constitue la crise malienne.
Deuxième facteur central, de nombreux conflits sahéliens trouvent leur origine dans la fracture Afrique blanche-Afrique noire matérialisée par la traite d’abord islamo-arabe puis européo-coloniale, souvent renforcée par l’instrumentalisation, voire la complicité, de populations noires (ethnies différentes et rivales). Lors de la décolonisation, de nombreux États regroupant administrativement des populations caractérisées par de lourds contentieux historiques, notamment les ethnies victimes de la traite, doivent assurer la cohabitation de tribus ayant participé activement au sein de l’ancien appareil négrier. Second aspect de cette ligne de contact, la plupart des États situés entre les latitudes 10° Nord et 20° Nord sont caractérisés, dans leur architecture interne, par une fracture Nord-Sud qui traduit in fine, une opposition avant tout ethnique entre populations blanches, souvent arabisées, et populations noires.
Ainsi, au Mali, l’opposition fondamentale est celle des Blancs, Maures et Touaregs et des ethnies africaines noires. La rébellion est nordiste et touareg. Cette fracture raciale Nord-Sud, ancrée dans l’histoire et à la base d’une profonde conscience ethnico-tribale, paraît difficilement conciliable avec le concept d’État-nation hérité de la décolonisation et du monde occidental. Les implications philosophiques de cette question sont lourdes de conséquences.
Comment, en effet, envisager que les Touaregs, anciens dominants à l’égard des ethnies du Sud, puissent accepter la domination de ces mêmes ethnies, consacrée par le colonisateur et l’État malien suite à la décolonisation ? De véritables murs d’incompréhension, voire de haine, se sont progressivement érigés, paralysant toute initiative de construction d’un véritable sentiment national, indispensable à l’émergence d’un État-nation. Tant que cette problématique ne sera pas surmontée et posée de manière claire, sans dérobade, il n’y aura aucune solution durable à la crise malienne. Nous pouvons citer d’autres facteurs s’inscrivant dans le temps long de l’histoire : l’opposition centre-périphérie, la fracture religieuse sacralisant les antagonismes ethniques, tout en étant rarement à la base de la conflictualité sahélienne, l’impact du colonialisme qui sut jouer habilement des rivalités des différents acteurs en s’opposant à la poussée musulmane dominatrice et esclavagiste venant du nord par un soutien tactique aux populations noires les plus vulnérables. La colonisation n’a fait qu’instrumentaliser les rivalités entre les différentes ethnies et les peurs des plus vulnérables qui cherchaient à échapper à la pratique de la traite musulmane et aux razzias, afin d’ancrer et de consolider son emprise. C’est ainsi que lors de la décolonisation, les antagonismes, les rivalités et les haines «en sommeil» émergèrent à nouveau, plongeant le théâtre sahélien dans le chaos des guerres civiles ou des conflits dits internes.
Comme évoqué précédemment, à ces facteurs historiques se juxtaposent de nouveaux facteurs fortement déstabilisateurs : la profonde défaillance politique et économique des États sahéliens, incapables d’assumer les attributs de leur souveraineté sur l’ensemble de leur territoire et de s’ancrer à la modernité, les sécheresses et famines amenées à s’amplifier compte tenu des effets attendus du réchauffement climatique, la pauvreté, la précarité économique et sociale et le manque de perspectives d’avenir pour toute une jeunesse désœuvrée, l’explosion démographique, la montée en puissance des trafics en tous genres et notamment du trafic de drogue en provenance d’Amérique Latine, le terrorisme incarné essentiellement par AQMI, les rivalités et tensions entre États sahéliens, les ingérences des puissances extérieures instrumentalisant divers facteurs de tensions afin de mieux contrôler les richesses avérées et potentielles (Pétrole, gaz, uranium, fer, or, cuivre, étain, etc.), les effets induis de la guerre en Libye, etc. En effet, la déstabilisation de la Libye, suite à l’intervention de l’OTAN, a libéré des forces (dissémination d’armes sophistiquées, retour massif de réfugiés sahéliens et de Touaregs armés incorporés à l’armée de Kadhafi), aboutissant au réveil de la rébellion touareg au Mali, matérialisée par l’attaque le 17 janvier 2012 par le MNLA de nombreuses localités et garnisons militaires du nord Mali. La suite, nous la connaissons ! En reprenant l’interjection du Sphinx à Œdipe : «Comprends ou tu es dévoré».

Mali, Niger, Burkina Faso, Algérie, Mauritanie... Quels sont les pays touchés par cette crise ?

Aujourd’hui, le Sahel, fortement tourmenté, est caractérisé par le développement de logiques de chaos : des espaces d’anomies émergent, risquant d’engendrer une déstabilisation durable de ce que j’appelle l’océan sahélien (mer de sable), mais aussi, par effet induit, du Maghreb et de l’Afrique de l’Ouest, d’où l’empressement manifesté par la CEDEAO de se saisir de la crise malienne. Néanmoins, cette crise, comme évoquée précédemment, est complexe, à l’image d’une équation mathématique à plusieurs inconnues. Encore faut-il donc en saisir tous les aspects et ne pas se laisser abuser par le jeu des uns et des autres. Afin d’aboutir à une solution durable, encore faut-il poser le bon diagnostic ! Il me paraît important d’insister sur un point : l’éclatement d’un foyer d’instabilité au Sahel menace la stabilité et la sécurité des pays du Maghreb sur le long terme. Ces deux théâtres forment des espaces conjugués avec des développements coordonnés inhérents à leur histoire et à leur géographie communes, caractérisés par de fortes interdépendances et aux destins intimement liés. Les liens de causalité sont forts, aboutissant, selon le concept de liaison des effets de Castex, à l’émergence d’une entité géopolitique que nous pourrions qualifier d’entité maghrébo-sahélienne qui correspond au concept d’océan sahélien. Il n’est plus possible de poser la problématique du Maghreb en l’isolant du flanc sud sahélien. Une concertation permanente s’impose entre les pays du Maghreb sur le présent et l’avenir de la scène sahélienne. Malheureusement, nous en sommes loin !

L’Algérie qui a toujours suivi le dossier de cette crise, on se souvient des accords entre Alger et Bamako passés en 2006, détient-elle une partie de la solution ? Quelle est sa position par rapport à une indépendance de l’Azawad ?

Vous avez parfaitement raison pour les accords d’Alger de 2006, mais également relativement à la médiation intervenue afin de permettre la signature du pacte national du 11 avril 1992. Ces accords, ne se saisissant pas des problèmes de fond, n’ont fait que geler temporairement les antagonismes. La suite nous la connaissons. Relativement au rôle de l’Algérie, la situation est extrêmement complexe et il convient d’être prudent et de garder à l’esprit que la zone sahélienne fixe des intérêts particuliers et multiples par elle-même, mais elle ne se suffit pas à elle-même.

À l’égard de cet espace, l’Algérie, le Maroc et antérieurement la Libye développent des dispositifs diplomatiques, militaires et secrets obéissant à des calculs d’hégémonie et de neutralisation de l’autre. Les rivalités sont vives, l’enjeu étant de s’assurer le leadership sur un Sahel tourmenté et vulnérable, mais offrant de multiples opportunités. Néanmoins, Alger, compte tenu de son histoire, de la présence de Touaregs sur son territoire et de ses ambitions à l’égard de son flanc sud sahélien, développe depuis de longues années une stratégie complexe qui se distingue. Là encore, en tant que chercheur, je me dois d’être prudent et je ne pose que des hypothèses de travail pouvant contribuer à livrer des clefs d’intelligibilité. Sans nier, et j’insiste sur ce point, l’existence d’un noyau dur d’islamistes radicaux vecteurs d’un message politico-religieux et ayant recours au terrorisme et à la violence armée, une deuxième clef d’analyse permet de mieux cerner la complexité et la portée d’AQMI au Maghreb et au Sahel. À l’intérieur de l’État algérien se situent des centres de décision et d’action aux stratégies divergentes. Leur existence s’explique par une lutte interne pour le pouvoir et le contrôle des richesses nationales.
Dans le cadre de cette lutte, des hommes pivots du mouvement armé du GSPC, devenu AQMI, seraient aux ordres d’un clan disposant de puissants relais au sein des services algériens. L’ampleur des actions entreprises, aussi extrêmes soient-elles, ne serait ni plus ni moins que des messages adressés aux clans adverses.
En ce sens, il convient d’opérer une distinction fondamentale entre commanditaires avisés, cyniques, poursuivant des objectifs stratégiques ou personnels et les exécutants instrumentalisés, simples pions sur un échiquier, mais fondamentalement imprégnés par la noblesse de leur cause.

Ainsi, dans le cadre d’une stratégie de sous-traitance, AQMI serait-elle un instrument d’influence entre les mains de clans algériens générant une rente stratégique monnayable auprès des Occidentaux. Toutefois, les opérations d’AQMI n’obéissent pas toujours aux commanditaires, eux-mêmes en rivalité : il arrive que des opérations, notamment au Sahel, échappent à leur contrôle, reflétant une volonté d’autonomisation des monstres à l’égard de leurs maîtres, se retournant ainsi contre l’Algérie elle-même et la région tout entière. C’est une piste permettant de mieux comprendre AQMI, ainsi que la multiplication de groupes terroristes dans le nord du Mali, tels que le MUJAO, etc. Alger a utilisé les forces et les faiblesses du Mali à son avantage. Certaines forces proches du pouvoir ont instrumentalisé AQMI et d’autres groupes, à des fins strictement algériennes, au détriment de la région. Lorsque d’autres factions algériennes rivales sont victimes de ces initiatives, elles renforcent le gouvernement malien. Encore une fois, le jeu algérien est complexe.
Certes, l’Algérie a envoyé des instructeurs dans le nord du Mali et participé à l’équipement de l’armée malienne afin de lutter contre AQMI. Certes, Alger a piloté de nombreuses réunions à l’échelle régionale et internationale tout en créant en avril 2010 le CEMOC (Comité d’état-major opérationnel conjoint) visant à coordonner les efforts des pays du champ (Algérie, Mauritanie, Mali et Niger) dans la lutte contre le terrorisme. Cependant, ce CEMOC semble centré sur les intérêts algériens, trois pays du Maghreb (Maroc, Tunisie et Libye) étant toujours exclus de cette structure, ce qui témoigne de la persistance de démarches désarticulées, souvent déterminées par la sourde défiance qui divise les riverains de l’océan sahélien, alors que la menace dicte une action systématiquement concertée et non exclusive en mesure d’identifier des intérêts convergents vertueux. En dépit de la dernière réunion des ministres des Affaires étrangères des pays du champ tenue le 6 août 2012 à Niamey, face à la minute de vérité, le CEMOC s’est avéré totalement inefficace, marquant l’engagement erroné sur le plan stratégique de l’Algérie.
Pour revenir sur l’Azawad, notion qui n’existe pas sur le plan historique, Alger n’a aucun intérêt à un État touareg indépendant, compte tenu du risque de contagion à l’égard de sa communauté touareg, du risque de balkanisation de son flanc sud sahélien et de la forte probabilité que ce nouvel État soit totalement sous l’emprise des puissances occidentales. Cet état de fait sert la cause marocaine, la crise malienne et les menaces de balkanisation dans la région provoquant une prise de conscience générale quant au danger de multiplier des États fantoches, nécessairement faibles, dans l’espace saharien. Le détricotage de la région ne serait profitable à personne sur le long terme. Il est vraisemblable que les puissances occidentales accorderont au Maroc et à la Libye, le cas échéant, un soutien ferme dans le but d’éviter les risques de chaos ou de somalisation. Néanmoins, il ne s’agit pas d’accabler l’Algérie, car d’autres facteurs et acteurs entrent en considération relativement à AQMI et à la crise secouant le nord du Mali.

Pourriez-vous alors préciser votre pensée relativement à AQMI et la montée de l’islamisme radical dans le nord du Mali ?

Là encore, les choses sont complexes et il convient d’être prudent. Néanmoins, sans nier l’existence d’activités criminelles et d’enlèvements périodiques, il semble opportun de relativiser l’importance d’AQMI, ce «rejeton d’Al-Qaida» qui existe davantage dans l’esprit de certains acteurs, cherchant plus à en tirer profit qu’à l’éradiquer. Une réelle contestation politique islamiste peut dégénérer en violence islamiste du fait de l’accumulation et du pourrissement de frustrations de nature politique et économique (concept de sociétés bloquées). Mais, derrière, peuvent se cacher toutes les manipulations possibles. Pour les criminels parcourant l’océan sahélien, se revendiquer d’Al-Qaida, c’est se donner une dimension et une envergure mondiales permettant de faire monter les enchères lors d’enlèvements ou de toute autre activité criminelle. De fait, la menace salafiste, réelle, car porteuse d’un message politico-religieux, est «mise à la sauce» de toutes les problématiques locales : trafics en tous genres, recherche de rentes, rivalités politiques (Algérie-Libye, Algérie-Maroc, Algérie-Mali, Mauritanie-Mali, Mali-Niger, etc.), conflits d’intérêts entre nomades et sédentaires (Arabes et Touaregs, Maures et Noirs, etc.), poids relatif de l’armée et des services de sécurité au sein des différents pays, appétits des grandes multinationales internationales, etc. Elle ne constitue en tant qu’entité politico-religieuse qu’un irritant aggravant les facteurs géopolitiques et géoéconomiques déstabilisant l’espace sahélien.
Ce que l’on désigne sous le nom d’AQMI ou d’autres noms n’est qu’un conglomérat mafieux pas très homogène composé de bandes aux intérêts disparates, souvent rivales, parfois unies quand elles sont collectivement menacées. Comme le souligne Alain Chouet : «On y trouve trois ou quatre composantes algériennes, deux ou trois composantes touaregs, quelques éléments maliens et mauritaniens. Tout ce petit monde vit essentiellement de trafics et de rapines, sans projet politique ni stratégique au-delà d’un discours convenu pour se légitimer. La débâcle libyenne a été évidemment une aubaine pour certains de ces groupes qui ont récupéré des armes bonnes à vendre sur le marché international ainsi que des “otages” ou des “protégés” de l’ancien régime libyen qui sont également monnayables».
Dans ce cadre, AQMI semble être l’arbre qui cache la forêt, le terrorisme amplifié voilant les véritables enjeux et menaces. Qu’ils s’appellent AQMI, MUJAO, Ançar Eddine ou autre, il s’agit principalement d’acteurs cherchant à tirer profit du désordre sahélien. Ces réseaux mafieux locaux, tel un nodule, se greffent sur un corps malade en se donnant une rhétorique «al-qaidiste» afin de brouiller les cartes d’intelligibilité. Les trafics sont nombreux : armes, véhicules, cigarettes, êtres humains, médicaments, pétrole, avec une fulgurante montée en puissance du trafic de drogue (cocaïne depuis l’Ouest et héroïne de l’Est, érigeant la ceinture sahélienne en véritable «hub du narcotrafic»), etc. Ces trafics ont toujours existé et existeront toujours. Ils ne constituent qu’un élément supplémentaire de déstabilisation sur l’échiquier sahélien.

Au-delà des différents trafics, il y a la destruction du patrimoine culturel et cultuel, le chaos qui accompagne ces opérations et l’exil des populations. Comment analysez-vous cette radicalité ?

Relativement à la poussée de l’islam radical au Sahel et plus précisément dans le nord du Mali, je ne peux que condamner les actes atroces perpétrés au nom de l’application de la Charia par Ançar Eddine et le Mujao, actes terrorisant des populations et menaçant un patrimoine fabuleux inscrit au patrimoine mondial de l’UNESCO. Néanmoins, là encore, les choses sont complexes et il convient de prendre de la hauteur et de ne pas céder à l’émotionnel. En réalité, ces poussées d’un islam radical s’inscrivent dans le temps long et ont jalonné au cours des siècles l’histoire de la bande sahélienne. Périodiquement, lorsque les musulmans orthodoxes jugeaient que l’islam pratiqué par les populations islamisées n’était pas convenable, voire déviant (car imprégné de rites d’origine animiste faisant toute l’originalité ou la spécificité de l’islam des confréries soufies ancré dans ces régions), ils lançaient le jihad. Par exemple, pour les Almoravides au XIe siècle, derrière le paravent de l’islam et du djihad, il s’agissait en réalité de prendre le contrôle des villes et des routes de l’or, puis des richesses de l’empire du Ghana. Comme le souligne Bernard Nantet, «depuis une dizaine de siècles, le thème de la guerre sainte a porté nombre de meneurs à lever des troupes de nomades, de laissés-pour-compte ou de cadets en rupture dans le but de faire la guerre aux mauvais croyants, sinon aux non-croyants, autrement dit aux animistes et aux païens. Le moteur de ces poussées guerrières sous le voile de la religiosité fut toujours le contrôle du commerce transsaharien». Il en est de même aujourd’hui, les mouvements se revendiquant de l’islamisme aspirant principalement à contrôler les routes et l’ensemble des trafics prospérant grâce au chaos malien. Leurs mobiles profonds ne sont donc guère différents de ceux qui animaient leurs prédécesseurs sous couvert de religion. Par ailleurs, les atrocités commises le sont souvent, non pas par les chefs de ces groupes ou sur leur ordre direct, mais par des jeunes désœuvrés basculant dans la criminalité et profitant du chaos afin de faire régner leur propre loi sur une population terrorisée. Enfin, des garde-fous ancrés dans le temps long de l’histoire existent, l’Islam africain sécrétant ses propres antidotes contre l’extrémisme. J’aurais tendance à dire : l’Afrique subsaharienne a le don de digérer les idéologues, surtout lorsqu’ils s’avisent de vouloir jouer les maîtres à penser et à agir !
N’oublions pas également deux facteurs majeurs éclipsés par la focalisation de la grande majorité des médias sur le terrorisme et l’islamisme radical : L’arc sahélien, zone de vulnérabilités et sous-défendue, attire toutes les convoitises du fait des richesses de son sous-sol et des futurs projets de désenclavement des ressources énergétiques (TGSP, etc.). Dans ce cas de figure, il s’agit de cartels, des grandes Majors et nous basculons dans les intérêts stratégiques et les identités multiples. Ces acteurs sont en mesure et disposent des moyens de corrompre, créer des leurres, posséder une armée privée, armer des rébellions et des dissidences, etc. Leur capacité d’action est extrêmement puissante et significative. Par ailleurs, des États les soutiennent : ainsi, la menace terroriste est amplifiée, voire nourrie, afin de permettre à des États en rivalité pour la prise de contrôle des richesses, de se positionner économiquement et militairement au sein de ce couloir stratégique reliant l’océan Atlantique à la mer Rouge et offrant la possibilité de peser, en tant que passerelle, sur les équilibres géopolitiques et énergétiques du Maghreb et de l’Afrique de l’Ouest. L’activisme soudain des puissances occidentales appelant à une intervention étrangère au Mali, la France en pointe, interpelle à plus d’un titre !

Des acteurs divers sont attirés par cet espace de fragilités et s’allient avec des forces locales afin de tirer bénéfice du désordre : c’est ce que l’on peut qualifier de criminalisation des acteurs économiques : c’est la criminalisation financière ou crime organisé. Le danger réel risquant d’impacter durablement les équilibres des sociétés sahéliennes est la prise de contrôle du pouvoir par des acteurs criminels vivant de rentes criminelles. Ainsi se produit le basculement d’une criminalisation économique vers une criminalisation politique. La crise malienne, notamment le coup d’État du 22 mars 2012 et la crise institutionnelle qui perdure depuis, a révélé à quel point la menace du crime organisé était invasive et bien plus sournoise et déstabilisatrice que quelques centaines de criminels se revendiquant de l’islamisme radical et disséminés sur une superficie équivalente à celle de l’Union européenne. À mon sens, il convient de ne pas se focaliser sur un ennemi de confort et réfléchir à mettre en place des stratégies de contre-ingérence et de lutte contre cet ennemi intérieur gangrénant les États sahéliens de l’intérieur et prospérant à la faveur de la dérégulation et de la précarité stratégique de cet espace, de la faillite des États, de l’explosion démographique, de la pauvreté, etc. Là sont l’urgence et l’enjeu d’avenir pour la région et le Maghreb !

Le principe de l’intangibilité des frontières n’éclate-t-il pas sous la pression des peuples écartelés ? Qu’en sera-t-il demain ? Les Touaregs ne voudront-ils pas réunir les morceaux éclatés et créer sous une seule bannière le pays des Touaregs ?

L’exemple malien prouve que la balkanisation supplémentaire du Sahel est catastrophique si l’on tient compte de l’histoire ancienne, de la colonisation et de la décolonisation. Walvis Bay en Namibie (rétrocédée à la Namibie le 28 février 1994), l’Érythrée (27 avril 1993), le Soudan du Sud (9 juillet 2011) et maintenant l’Azawad posent clairement la problématique du principe de l’intangibilité des frontières héritées de la colonisation. À mon sens, il est temps que ce principe soit réexaminé et que la réponse fondamentale soit méditée, la restauration des nations historiques devant prévaloir sur les entités coloniales artificiellement dressées par les métropoles européennes dans l’intérêt de leurs calculs impériaux. L’Afrique doit se réapproprier sa propre destinée. Il est temps de tourner la page coloniale et d’aller vers la régionalisation et la constitution de grands ensembles homogènes sur la base des grandes nations historiques ayant précédé l’agression et le charcutage colonial. Sans innover, sans s’interroger sur de nouvelles formes de territorialité transcendant les lignes de fracture et les clivages du passé, le problème touareg et d’autres ne seront jamais surmontés sur le long terme.

On parle d’une intervention militaire sous l’égide de la CEDEAO. Quels sont les risques d’une telle intervention au nord du Mali ?

Comme je l’ai évoqué précédemment, de nombreuses puissances poussent à une intervention militaire de la CEDEAO afin de sécuriser la transition au sud Mali et préparer la reconquête du Nord en appuyant une armée malienne restructurée. Sans entrer dans les détails, cette option me semble risquée, car présentant bien plus d’effets dommageables que de bénéfices. En effet, de nombreuses interrogations demeurent à ce jour sans réponses convaincantes : quel serait le mandat de cette force ? quel format ? qui est clairement l’ennemi ? Est-elle adaptée à la guerre en milieu désertique face à des groupes lourdement armés et aguerris ? Comment faire face au sein de la CEDEAO aux objectifs de certains États à vocation hégémonique poursuivant leur propre agenda ? Ne risque-t-on pas d’offrir l’occasion tant attendue par certaines puissances occidentales qui, sous couvert de lutte contre le terrorisme, se positionneront militairement au sein de cet espace hautement stratégique ? Afghanistan, Irak, Kosovo, toutes ces opérations n’ont-elles pas montré leurs limites et effets pervers ? À mon sens, une intervention militaire mal menée prolongerait le drame indéfiniment, attiserait les rivalités inter et intra étatiques, risquant de déboucher sur des affrontements entre les différentes communautés peuplant le nord du Mali (les Touaregs étant minoritaires et non homogènes) et d’embraser tout l’espace sahélien.
En ce sens, je privilégierais une solution sahélienne, et là, le concept d’océan sahélien prend tout son sens. Il convient de partir du principe qu’aucune solution durable ne prévaudra si les riverains de l’océan sahélien sont en conflit entre eux. Sur cette base, le bassin sahélien doit être, en dépit des initiatives déployées par la CEDEAO, l’objet d’un intérêt direct de l’ensemble des riverains de cette mer de sable : il s’agit de mettre en avant un consensus régional favorisant le règlement des différends entre Sahéliens.
Dans ce cadre, l’organisation urgente d’une conférence régionale regroupant sans exception l’ensemble des riverains de l’océan sahélien (5 pays du Maghreb, Mali, Niger, Tchad, Burkina Faso et Sénégal) et associant les Touaregs tout en excluant les puissances occidentales doit permettre de privilégier la négociation sur de bonnes bases et l’émergence d’une solution politique. Si une intervention militaire devenait néanmoins inéluctable, elle devrait se faire dans le cadre des pays riverains.
La sécurité de cet océan sahélien ne saurait, comme en mer, relever que d’un effort concerté des riverains, notamment dans l’échange de renseignements, et d’une perception commune des menaces afin de dissiper des stratégies qui, pour le moment, ne convergent pas. Bien au contraire, elles se croisent, voire se neutralisent, au nom de calculs étroits. Idem relativement au développement des pays du Sahel, car sans développement, aucune paix durable n’est envisageable. Ultérieurement, à l’image du Dialogue 5+5 au format défense établi en Méditerranée occidentale, et compte tenu de la montée en puissance des menaces soulignant l’interdépendance accrue entre le Maghreb et le Sahel, il s’agira d’œuvrer à la mise en place d’un 5+5 sahélien intégrant les cinq pays du Maghreb et le Mali, le Niger, le Tchad, le Burkina Faso et le Sénégal. Un continuum sécuritaire serait ainsi établi entre les deux espaces en miroir que sont la Méditerranée occidentale et l’océan sahélien. Dans l’absolu, si cette vision et structure existait déjà, nous n’en serions pas là actuellement !

Quelles conséquences pourrait avoir cette crise du Mali sur la dynamique maghrébine ? Un mot sur le prochain sommet maghrébin qui devrait se tenir à Tunis en octobre prochain ?
Il est clair que la crise malienne, par ses effets induits, exacerbe les rivalités et les tensions entre les pays du Maghreb et pèse négativement sur la dyna mique maghrébine. Les initiatives et positions divergentes des uns et des autres aggravent l’image d’un Maghreb désuni et indifférent à ses obligations stratégiques. L’édification du Grand Maghreb s’impose comme une nécessité dans le contexte de la mondialisation et de la multiplication des initiatives d’intégration régionales dans le monde. La réalisation du Grand Maghreb élèverait le poids stratégique de la région tout en entraînant des bénéfices économiques directs et un taux de croissance supérieur de 1 à 2 points par an.
Relativement au prochain sommet maghrébin, il me semble sérieusement compromis du fait de la persistance de la rigidité algérienne et de l’accumulation d’une série de maladresses politiques et diplomatiques de la part des initiateurs.

Sahel : la tentation du califat

 Cherif Ouazani,Jeune Afrique
Plusieurs groupes armés réclament l’instauration d’une république islamique. Cela va à rebours de la pratique religieuse en Afrique subsaharienne.
Les images des moines-soldats d’Ansar Eddine troquant leur kalachnikov contre des massues et autres arrache-clous pour détruire les mausolées des saints patrons de Tombouctou ne sont pas sans rappeler celles qui avaient ému, une décennie auparavant, l’opinion internationale quand les talibans afghans, autres moines-soldats, avaient dynamité les statues de Bouddha dans la vallée de Bamiyan, en mars 2001. Cette fureur destructrice qui s’est emparée de la ville des 333 saints et de la Cité des murmures est menée au nom d’une lecture étroite et doctrinale du Coran, inspirée du wahhabisme.
Ce courant de pensée salafiste est complètement étranger à l’école malékite, qui caractérise l’islam en Afrique subsaharienne. Hormis le cas du Soudan, la revendication de la primauté du droit divin n’est apparue qu’à la fin du siècle dernier, quand quatre États (on en est aujourd’hui à douze) du Nord-Nigeria ont élargi le domaine d’application du droit coranique - jusque-là réduit aux seules affaires civiles - aux affaires pénales. Toutefois, la charia ne constitue alors qu’une source parmi d’autres outils juridiques. Selon Marc-Antoine Pérouse de Montclos, spécialiste du Nigeria et des conflits armés en Afrique subsaharienne, « les peines de lapidation pour adultère sont restées rarissimes, et aucune n’a été appliquée car les sentences ont été cassées par les cours fédérales, celles-ci s’inspirant du droit commun légué par le colonisateur ». Mais la pression s’est progressivement renforcée avec la revendication d’une république islamique, l’avènement des salafistes et de leur avatar, la secte Boko Haram, qui revendique attentats, incendies d’églises et d’écoles, pogroms antichrétiens…
Au Mali, les islamistes contrôlent le nord du pays. Au Mali, les islamistes contrôlent le nord du pays. © AFP
Nouvelle pépinière du terrorisme
Au Mali, la récente apparition de groupes armés revendiquant pêle-mêle l’application de la charia, l’instauration d’une république islamique et, à terme, l’installation d’un califat régnant sur la Oumma (communauté islamique) s’inscrit dans une évolution entamée il y a une dizaine d’années, sur fond de trafics dans cette bande sahélienne difficilement contrôlable et de fragilités du pouvoir central de Bamako.
Nous appliquerons les châtiments corporels quand la société sera prête.
Omar Ould Hamahachef militaire d’Ansar Eddine
La défaite militaire des islamistes en Algérie, couplée au lancement de la guerre contre le terrorisme lancée par George Bush après les attentats du 11 Septembre, a été l’un des déclencheurs de cette descente du djihadisme vers le sud. Cette stratégie a été esquissée par Oussama Ben Laden, alors traqué entre l’Afghanistan et le Pakistan. Le Sahel, avec ses caractéristiques géographiques, la fragilité de ses populations, sa proximité avec l’Europe impie à châtier, pouvait être un nouveau Tora Bora et une nouvelle pépinière du terrorisme.
“Charia-spectacle”
L’opération est entamée dès 2002 par une « colonisation » des espaces du Nord-Mali par les salafistes algériens. Ils se mêlent à la population et font du prosélytisme sans heurter les pratiques religieuses locales. En septembre 2006, le Groupe salafiste pour la prédication et le combat (GSPC) de l’émir Abdelmalek Droukdel fait allégeance à Ben Laden. Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi) est née.
Soudan, “100% islamique”
Pour calmer le mécontentement des Soudanais, qui manifestent régulièrement depuis le mois dernier, le président Omar el-Béchir a trouvé la solution. « Nous voulons avoir une Constitution qui devienne une référence pour [les pays] qui nous entourent. Et nous voulons une Constitution 100 % islamique sans communisme, laïcisme ou influences occidentales », a-t-il déclaré le 7 juillet à Khartoum lors d’un discours devant les chefs de plusieurs confréries soufies.Sans fixer de calendrier précis, le président, au pouvoir depuis plus de vingt-trois ans, a assuré qu’un comité constitutionnel devrait être formé, et qu’il serait constitué de représentants de tous les partis politiques et de toutes les confessions du pays. La charia est en vigueur au Soudan depuis 1983. T.G.G.
À présent, ce sont plusieurs groupes armés qui ont introduit la « charia-spectacle » : flagellation d’un jeune couple coupable d’avoir conçu un enfant hors mariage, bastonnades contre les vendeurs et les consommateurs d’alcool, interdiction de fumer (même si ces milices prospèrent grâce au trafic de cigarettes et de drogue) ou de jouer au football… Si Ansar Eddine exclut jusqu’à présent les lapidations pour adultère ou l’amputation des mains pour les voleurs, cela n’est pas le fait d’une quelconque mansuétude touarègue ou kounta. « Nous n’avons pas encore recours à de telles sentences car la société n’y est pas prête », explique Omar Ould Hamaha, le chef militaire du mouvement à Gao. Quand le sera-t-elle ? « Le jour où nous dominerons le Mali pour en faire un califat. »

Les hommes du Mujao : des trafiquants guidés par l’appât du gain ?

Le maire de Gao en convient : aujourd’hui, le problème ce n’est pas le Mujao mais tous ces jeunes recrutés et grassement payés par le mouvement islamiste. Ce sont eux qui terrorisent les populations civiles. Concrètement, cela passe par l’application de la charia. Les hommes du mouvement islamiste ont décidé d’appliquer la charia comme il l’avait promis. Un jeune homme accusé de vol a eu la main droite coupée à Ansongo, à 60 km de Gao.
Selon un journaliste local, en quelques semaines, des individus sans envergure, petits commerçants ou chômeurs sont devenus des hommes puissants qui font la loi sur la ville. C’est le cas du commissaire islamiste. C’est lui qui, au soir de dimanche 5 août, s’est rendu dans les locaux de radio Koïma pour arrêter le journaliste Abdul Malik. Ce dernier sera tabassé toute la nuit et laissé pour mort. Ses tortionnaires ? D’autres jeunes Maliens, arabes ou Songhaïs comme lui.
Pour un autre habitant, ces jeunes ne sont pas des islamistes mais des opportunistes qui vont là où l’argent se trouve. Et de l’argent il y en a beaucoup actuellement à Gao : l’argent des rançons après la libération des otages du Mujao, mais aussi l’argent de la cocaïne.
Pour ce bon connaisseur de la région, les hommes du Mujao sont avant tout des trafiquants : « La charia est une couverture », dit-il. Le Mujao cherche à réorganiser un trafic déjà existant qui a prospéré sous les années ATT. Travailler avec le Mujao, c’est donc la garantie de poursuivre le business, explique notre interlocuteur. Selon lui, sous couvert d’association de la société civile, de nombreux notables de la ville sont complices de ce système mafieux.
Pendant ce temps, des habitants courageux et déterminés ont décidé de réagir. Hier, contre l’indépendance, aujourd’hui contre la charia.
Des hommes du Mujao dans la région de Tombouctou.
Des hommes du Mujao dans la région de Tombouctou.
RFI/Moussa Kaka
Amputation
Car c’est au nom de cette loi islamique qu’un voleur a eu la main coupée ce jeudi 9 août à Ansongo, à 60 km de Gao.
Malgré les manifestations récentes des jeunes de Gao, malgré la colère de la population qui s’élève contre la charia, malgré la visite de Djibril Bassolé, le médiateur de la Cédéao à Gao avant-hier, les « fous de Dieu », comme les appellent les habitants, ont en effet appliqué leur lugubre sentence à Ansongo.
Cette localité, située à 60 km au sud-est de Gao, est actuellement coupée du monde car les réseaux téléphoniques ne fonctionnent pas. Ce sont des habitants, des commerçants venus à Gao, qui ont transmis l’information.
La victime, un jeune homme d’une trentaine d’années est orginaire du village de Tin Hamma. Le Mujao l’accuse d’avoir volé du bétail. Un autre garçon, arrêté au même moment, est toujours détenu.
A Gao, la nouvelle de cette amputation à provoqué colère et consternation. Malgré leur colère, un des leaders du Mujao a affirmé : « Cette sentence est la loi de Dieu. Dans quelques jours, nous allons faire la même chose à Gao. Personne ne peut nous empêcher de faire ça. »

Rapport des experts français: Comment AQMI s’organise, recrute et se finance

Dans cette troisième partie du rapport parlementaire français dont nous avons entamé la publication, les experts révèlent la façon dont Al-Qaida au Maghreb  Islamique (AQMI) est structurée et financée.
Structure d’AQMI.
 Eu égard à la nature des activités d’AQMI, il n’y a pas d’organigramme officiel régulièrement mis à jour. Déterminer sa structure n’est donc pas aisé; il est néanmoins possible d’en établir les « grandes lignes ».
Tout d’abord, il est important de souligner que, comme Al Qaida (la  » maison mère « ), AQMI (une  » filiale « ) est structurée autour de serments d’allégeance: on prête allégeance à un chef et, par conséquent, on se met à son service dans le cadre d’une logique tribale, tout en conservant une grande autonomie. A la tête d’AQMI se trouve Abdelmalek Droukdal, son  » émir national « . Celui-ci était déjà à la tête du GSPC depuis 2004 lorsque cette organisation terroriste est devenue  » Al Qaida au pays du Maghreb islamique « , en janvier 2007. AQMI n’ayant pas de siège officiel, il est difficile de savoir où réside Droukdal, mais il semble qu’il se cache aujourd’hui dans le nord de l’Algérie. La zone d’action d’AQMI étant étendue, le territoire sur lequel elle évolue a été divisé en 4 régions. Un tel découpage n’est pas nouveau : le GSPC était déjà structuré en une dizaine de zones, les deux dernières correspondant au Sahel (zone n° 9) et à l’étranger (zone n° 10). La région « Centre » correspond aux zones 1, 2 et 3 de l’époque du GSPC, soit Alger et sa banlieue, la Kabylie et la Côte orientale de l’Algérie. C’est la région la plus active car elle regroupe le plus grand nombre de combattants (3 katibas représentant entre 500 et 800). Ses commandants seraient établis dans les Aurès. La région  » Ouest « , la moins active, recoupe les anciennes zones 4 et 8 du GSPC soit la partie occidentale du territoire algérien jusqu’au Maroc, ainsi que le sud-ouest du pays. Dépendante de la région « Sud », elle sert à l’approvisionnement en armes. Correspondant aux zones 5, 6 et 7 du GSPC, la région « Est » est, elle aussi, très dépendante de la zone sud et accueille une centaine de combattants. Enfin, la région  » Sud  » est, aujourd’hui, la plus médiatique car elle est au coeur des enlèvements de ressortissants étrangers. Cette région est l’héritière de la zone n° 9 du GSPC et couvre le Sahel. Historiquement, elle a été le terrain de prédilection d’Abdelkader Belmokhtar dont la katiba, dénommée Al Moulathamine et composée d’une centaine d’hommes, a sillonné le nord du Mali et la Mauritanie depuis 1990. Une autre katiba a émergé. Créée par Abderrazzak El-Para en 2003 et dirigée, depuis son arrestation en mars 2004, par Abou Zeid, la katiba Tareq Ibn Zyad affiche ses ambitions par une série d’actions violentes et disséminées sur tout le Sahel. La rivalité croissante entre les commandants de ces 2 katibas – qui, on l’a vu, est à l’origine de la spirale inflationniste de violence dans la région – conduit Droukdal, l’émir national d’AQMI, à désigner Yahya Djouadi à la tête de la branche sahélienne de l’organisation. Djouadi confirme la répartition du territoire en 2 zones d’activité: à l’ouest, celui traditionnellement contrôlé par Belmokhtar, qui va du sud-ouest algérien au nord du Mali et de la Mauritanie ; à l’est, la zone d’influence d’Abou Zeid s’étendant de la région de Timétrine aux confins du Tchad en passant par le nord du Niger. Djouadi est aujourd’hui isolé – sans pouvoir être arrêté – dans le sud de l’Algérie par l’armée. Son influence en souffre, ce qui laisse le champ libre à Belmokhtar et Abou Zeid pour agir comme ils l’entendent dans leur zone respective voire, parfois, dans celle du rival. Les frontières de ces territoires ne sont pas toujours définies. Surtout, ils ne sont pas de taille équivalente. Les zones  » Est » et « Ouest » sont secondaires par rapport aux zones « Centre  » et « Sud ». Cette dernière  revêt une grande importance au regard des aspirations internationalistes d’AQMI et la région « Centre » est placée au coeur de la lutte contre le pouvoir algérien.

Financement ‘AQMI.
La première des ressources financières d’AQMI provient du recours à des crimes de droit commun afin de financer le jihad. La première fatwa autorisant le financement du djihad par des activités illicites remonte aux années 90. Le GIA,  » ancêtre  » d’AQMI, recourait à de telles méthodes. En 2001, une fatwa d’un maître à penser du salafisme maghrébin, l’Egyptien Abou Bassir al-Tartousi, a légitimé le recours au vol, à la contrebande et au racket, si cela sert le djihad. AQMI a conservé de cette époque des méthodes relevant de l’organisation mafieuse. Le racket, les braquages de banques, l’extorsion de fonds, les trafics de drogue, de cigarettes ou d’être humains ont été mis en oeuvre et demeurent répandus. Le surnom « Mister Marlboro  » de Belmokthar n’a pas été attribué par hasard! Son rival, Abou Zeid, pourtant ancien contrebandier, a dénoncé l’importance prise par ces trafic illicites. En 2008, il a provoqué la réunion d’un « conseil des chefs » qui a tranché en sa faveur et a privilégié des financements plus « respectables »: la dîme et la prise d’otages. La dîme s’apparente à un  » impôt révolutionnaire » dû par les filières de contrebande transitant par les territoires contrôlés par AQMI. Officiellement, les katibas ne doivent pas être partie prenante du trafic et le montant de la dîme varie selon que le convoi est escorté ou non. Frapper d’un « impôt » le passage de la drogue est donc admis tant que la marchandise a pour destination les pays des« infidèles ».
La prise d’otage a, elle aussi, fait l’objet d’une tentative de légitimation par AQMI. Les otages ne sont pas considérés comme tels, mais comme des prisonniers de guerre. Le droit islamique autorise ceux qui les détiennent à s’en servir comme monnaie d’échange pour faire libérer d’autres prisonniers ou demander une rançon. La première prise d’otage à l’encontre de ressortissants étrangers a été l’enlèvement des 32 otages européens, dans le Tassili, en février 2003. 31 d’entre eux ont été libérés contre une rançon de 5 millions de dollars. En septembre 2010, lors d’un débat aux Nations Unies consacré à la stratégie antiterroriste mondiale, un conseiller du président Bouteflika a indiqué que les pays occidentaux avaient versé, jusqu’alors, 150 millions d’euros à AQMI contre la libération d’otages. Le prix d’une libération serait aujourd’hui de  2,5 millions d’euros par personne. Les prises d’otages sont donc devenues le moyen privilégié par AQMI pour s’assurer une source de financement. Le mode opératoire est simple: des bandes criminelles signalent la présence de ressortissants étrangers aux katibas d’AQMI, lesquelles « passent commande » ou envoient des équipes légères qui procèdent elles-mêmes à l’enlèvement.

Effectifs et recrutement au sein d’AQMI.
Les experts constatent la relative faiblesse des effectifs d’AQMI. Entre 500 et un millier de terroristes, répartis entre les katibas du Sahel et celles du nord de l’Algérie, sont membres d’AQMI. Héritière du GIA et du GSPC, AQMI reste fondamentalement une organisation algérienne. Certes, son projet revêt une dimension internationale mais ses cadres sont algériens. Droukdal, l’ »émir national » d’AQMI, est né près de Blida en 1970. Djouadi, en théorie à la tête de la région  » Sud « , est lui aussi algérien, tout comme Belmokhtar et Abou Zeid, les 2 commandants rivaux des katibas sahéliennes. Les cadres originaires d’un autre pays sont rares. Parmi eux, Abdelkarim al-Targui, qui sévit dans la région « Centre », est d’origine malienne et est surnommé « le Touareg ». C’est une personnalité montante au sein d’AQMI et on lui attribue la volonté de créer une troisième katiba dans la région « Sud ». Les combattants d’AQMI ont, en majorité, algériens mais l’organisation accueille aussi des Mauritaniens, des Marocains, des Libyens, des Maliens et des Nigériens. La katiba de Belmokhtar serait composée d’un tiers de Mauritaniens, sur un effectif d’une centaine d’hommes. Encore faut-il distinguer, lorsqu’on évalue les effectifs d’AQMI, ceux qui appartiennent vraiment à l’organisation et ceux qui composent les bandes gravitant autour d’elle. Entendu par la commission des affaires étrangères de l’Assemblée nationale le 11 mai 2011, M. Soumeylou Boubèye Maiga, ministre malien des affaires étrangères, a ainsi déclaré que les effectifs d’AQMI au Mali peuvent être « estimés entre 250 et 300 personnes »,mais « que les effectifs réels des combattants se situent plutôt autour de 100 auxquels il faut ajouter ceux qui vivent de l’activité «  de l’organisation. Quant aux Touareg du Nord du Mali, ils semblent encore étrangers aux activités salafistes même s’il convient de rester vigilant sur ce point. L’origine sociale des hommes d’AQMI est généralement modeste. L’enrôlement dans les groupes terroristes est favorisé par l’exclusion et le chômage des jeunes. Même les plus diplômés, lorsque leur avenir paraît compromis par l’absence de perspectives, sont tentés par la voie du jihad et la dimension  » héroïque  » qu’elle revêt. De surcroît, l’attrait de la nébuleuse terroriste a bénéficié, au cours des années 2000, de l’impact du conflit au Proche-Orient et de l’invasion de l’Irak par les Etats-Unis. Quel que soit leur milieu d’origine ou les raisons de leur engagement, les terroristes d’AQMI font tous preuve d’un fanatisme exalté. C’est là que leur extrême dangerosité prend naissance. Leur fanatisme les conduit à éprouver une haine pour l’Occident, notamment la France. Aux yeux d’AQMI, la France cumule les raisons de se faire détester: passé colonial, soutien à Israël dans l’acquisition de la bombe atomique, présence en Afghanistan et dans des pays musulmans africains, appartenance à l’OTAN, lois sur la laïcité… Abou Zeid, par exemple, refuse de parler le français, la langue du colonisateur. Ce fanatisme a un prolongement matériel: il permet aux hommes d’AQMI de supporter la vie dans le désert. Pierre Camatte et de Mme Françoise Larribe, anciens otages, qui ont pu les côtoyer pendant des semaines, ont souligné l’aspect très spartiate des conditions de vie des katibas.
L’étude d’AQMI conduit à s’interroger sur les relations entretenues par elle avec son environnement.Des communautés sont établies depuis au Sahel des siècles et des liens se sont  noués entre les katibas et les populations locales. Du côté d’AQMI, il serait illusoire de vouloir se couper des habitants du Sahel. Originaires de l’Algérie, les membres d’AQMI ne sont pas chez eux dans le nord du Mali et les régions alentours.Ils ont besoin de la connaissance du terrain qu’ont les populations nomades. Ils en dépendent également au plan logistique, en particulier pour s’approvisionner en eau, en vivres ou en essence. Pour tisser des liens avec ces populations, AQMI a déployer une stratégie de « séduction » reposant sur l’essor de l’économie locale et de nombreux services rendus aux habitants. AQMI achète de tout aux commerçants locaux: du carburant, des pneus, des pièces de rechange, des céréales, de la farine, du sucre, du thé, voire des armes… Comment, dans ces conditions, des territoires confrontés à une pauvreté extrême auraient-il pu résister à l’attrait d’AQMI ? Client riche et fidèle, AQMI a  profité de l’absence de toute structure publique pour occuper un terrain laissé à l’abandon par des Etats défaillants. Aujourd’hui, des familles entières vivent de l’argent sale d’AQMI. En montrant qu’il est possible de gagner beaucoup d’argent par le biais de rançons, AQMI a fait des émules et sous-traite l’enlèvement d’otages à des groupes locaux. Ainsi, l’enlèvement de 2 Français à Hombori, en novembre 2011, a été le fait d’un jeune Touareg ayant séjourné dans le même hôtel qu’eux et qui les a « revendus » pour 30.000 euros à AQMI. De telles dérives ont été facilitées par la perte d’autorité des chefs traditionnels arabo-berbères, démunis face à l’attrait croissant d’AQMI.De surcroît, l’organisation a tissé des liens de sang par des mariages entre ses cadres et des jeunes filles locales. Mokhtar Belmokhtar est connu pour avoir épousé une femme de Tombouctou. Liens économiques, sociaux… Ce n’est donc pas seulement l’immensité du territoire sur lequel AQMI évolue qui rend difficile le combat contre cette organisation. C’est aussi son enracinement et l’absence d’hostilité d’une grande partie de la population à son égard.

AQMI, une menace  pour l’Afrique.
Au-delà des violences directes contre ses cibles favorites que sont les autorités algériennes et les occidentaux, AQMI constitue une menace pour l’avenir du sahel et des régions périphériques.Elle exerce une influence néfaste sur le développement économique de la zone. Elle favorise l’essor de la criminalité, en particulier parmi les populations touareg. Enfin, elle offre des perspectives d’extension de la violence terroriste, notamment au Nigeria, avec la secte Boko Haram. Les attentats et les prises d’otages commis par AQMI, associés à l’incapacité des gouvernements à y mettre un terme, ont anéanti le climat sécuritaire du sahel. L’insécurité a dissuadé nombre d’investisseurs d’intervenir dans la zone.
La première conséquence de la dégradation sécuritaire au Sahel a été de faire de cette région une zone à éviter. En témoigne l’annulation du rallye Paris-Dakar, en janvier 2008. Aujourd’hui, le Sahel fait partie des zones que le ministère français des affaires étrangères déconseille « formellement ». Les zones concernées  souffrent de ce classement. Le tourisme y a ainsi été anéanti alors que des territoires entiers dépendaient de cette unique ressource. Au Niger, par exemple, Agadez, qui vivait largement dans les années 70 à 90 des revenus de l’hôtellerie et de l’artisanat se trouve aujourd’hui privée du flux de touristes qui lui était vital. Tombouctou, la « perle du désert « , vit la même situation de désespoir à la suite de l’évacuation de touristes européens, fin novembre 2011. Le tourisme n’est pas le seul secteur qui souffre du classement en « zone rouge » de la plus grande partie du Sahel. Nombre d’ONG, de coopérants ou de chercheurs ne peuvent plus se rendre sur place.
Deuxième conséquence des attaques d’AQMI : le renchérissement de la présence étrangère. Tel est le cas au Niger. L’extraction d’uranium représente 90% des exportations du pays et l’unique générateur de devises pour le Niger. Ce secteur revêt aussi une importance pour la France. Areva a opéré d’importants investissements (1,2 milliards d’euros) sur le site d’Imouraren dont les ressources en uranium sont de 180.000 tonnes. Depuis des années, Areva et l’Etat nigérien ont pris conscience de la nécessité de sécuriser les mines.En 2010, les coûts de sécurité des sites d’Areva avait doublé par rapport à 2008.Ces mesures n’ont pas empêché la prise d’otages d’Arlit, dans la nuit du 15 au 16 septembre 2010. Après cette attaque, un plan global de protection des implantations d’Areva a été mis en place et vérifié par le Quai d’Orsay. Les employés sont escortés en permanence. Un tel dispositif, lourd et coûteux, n’est pas un cas unique. 25 entreprises françaises travaillent dans les 3 pays du Sahel. Comme Areva, elles travaillent sur la base d’un plan de sécurité présenté au centre de crise du ministère des affaires étrangères.

AQMI, une tentation pour les Touareg ?
Il n’existe aucun lien organique entre AQMI et les Touareg. L’idéologie salafiste n’a jamais trouvé d’écho auprès des populations touareg. Bien que musulmans sunnites depuis les invasions arabes du 7ème siècle, les Touareg ne revendiquent pas l’islam comme élément de leur identité, ce rôle étant détenu par leur langue, le tamasheq. Les Touareg sont donc modérés et ne se retrouvent pas dans le fanatisme d’AQMI dans lequel ils voient plus un problème algérien que sahélien. A certains moments, une certaine animosité les a même opposés. En 2006 et 2007, par exemple, les services algériens ont fourni des armes aux Touareg pour lutter contre AQMI, provoquant à l’époques des accrochages. Plus récemment, des touareg de retour de Libye semblaient décidés à « nettoyer » la région et à en chasser les katibas d’AQMI, lesquelles, prenant la menace au sérieux, ont rapidement quitté leurs bases. Toutefois, il semble aujourd’hui que les relations entre Touareg et AQMI soient plus apaisées. Pour les premiers, c’est d’abord une nécessité tactique. Privés du soutien de Kadhafi et engagés dans une nouvelle rébellion contre le Mali, il ne serait pas judicieux, de leur part, d’affronter AQMI. Par ailleurs, des Touareg ont pu participer à des opérations d’AQMI, notamment à l’enlèvement d’étrangers à Arlit, au Niger. Les motifs de ces rapprochements sont multiples. Il n’est pas exclu que de jeunes Touareg, échappant au contrôle des plus anciens, soient séduits par le discours anti-occidental d’AQMI, à un moment où l’image de la France est très dégradée car celle-ci est perçue comme une puissance exploitante. Surtout, AQMI, dont les effectifs ne sont pas élevés, a besoin de soutiens logistiques (chauffeurs, convoyeurs…) et d’intermédiaires pour mener à bien ses actions. Dès lors, les Touareg, qui vivent dans des régions isolées et pauvrres, peuvent être attirés par un banditisme rémunérateur. Grâce aux rançons payées pour libérer les otages, AQMI dispose de moyens considérables et travailler avec ses katibas peut faire vivre de nombreuses familles. S’il prospait, le rapprochement entre AQMI et les touareg constituerait une menace pour le Sahel. Les Etats de la région peinent à combattre le terrorisme. Le Mali voit apparaître une nouvelle rébellion touareg. Dans ce contexte, il est facile d’imaginer le chaos que pourrait susciter une alliance entre AQMI et les Touareg.

AQMI, un modèle pour la secte Boko Haram ?
En haoussa, une langue du nord du Nigeria, Boko Haram signifie que l’éducation occidentale est un pêché. Une organisation porte ce nom. Elle a été fondée en 2002, à Maiduguri, dans le nord-est du pays, par Mohammed Yusuf, un prédicateur fondamentaliste. Prônant l’instauration d’un émirat dans le nord, musulman, du Nigeria, Boko Haram, véritable secte islamiste, exige un respect strict de la charia.A sa création, elle s’attaque aux bars, aux églises mais aussi aux administrations. En 2009, Mohammed Yusuf est capturé par l’armée nigériane et tué en prison. La secte se radicalise et étend son action au-delà de la seule partie septentrionale du pays. Si, en 2010, elle avait commis une dizaine d’attentats, elle en a perpétré une centaine en 2011. Depuis quelques semaines, elle a entrepris des actions sanglantes contre des chrétiens. Au seul mois de janvier 2012, elle a tué 250 personnes. Ces attaques ont médiatisé la secte alors que jusqu’ici, elle a tué beaucoup plus de musulmans que de chrétiens. Ces violences sont dans la logique du message anti-occidental que véhicule Boko Haram.Elles sont aussi liées à son désir d’accélérer la chute du pouvoir nigérian, incarné par le président Goodluck Jonathan. Ce dernier, un chrétien, a, en plus, le « défaut », aux yeux de la secte, d’être originaire du sud du pays qui, majoritairement chrétien, est la partie la plus développée du Nigeria. Cette violence pourrait trouver à s’épanouir encore plus si se confirment les connexions  entre Boko Haram et AQMI. Des indices en faveur de cette thèse se sont accumulés. La secte a  déjà affirmé, par le passé, son « affiliation » à AQMI. L’enquête sur l’enlèvement de 2 Français, à Niamey, en janvier 2011, a révélé que certains ravisseurs, tués par les forces françaises, avaient été en contact tant avec Boko Haram qu’avec AQMI.En janvier 2012, les autorités des Etats sahéliens, réunis à Nouakchott, ont réaffirmé la réalité des liens entre les deux organisations. Il n’est pas anodin de relever qu’en juin dernier, Boko Haram a, pour la première fois, employé la technique de l’attentat suicide, à Abuja, contre le siège de la police. Ce déchaînement de violences est intervenu peu après l’éclatement de la crise libyenne et la dissémination d’armes qui a suivi. Boko Haram a certainement profité de cette opportunité pour acquérir de nouveaux matériels. La folie meurtrière de la secte nigériane hypothèque l’avenir de la région. La création d’un arc terroriste en Afrique qui irait de la Mauritanie au Nigeria et se prolongerait, ensuite, vers la Somalie, ne peut qu’inquiéter tous ceux qui s’intéressent à l’avenir du continent.

Suite dans notre prochaine livraison

Nord-Mali: amputation au nom de la Charia

Dernière mise à jour: 9 août, 2012 - 16:08 GMT
Les islamistes du mouvement pour l'unicité et le jihad en Afrique de l'Ouest (Mujao), ont tranché la main d’un présumé voleur.
Ils l’avaient reporté, cette fois-ci ils l’ont fait. Les islamistes du Mujao ont coupé mercredi la main à un présumé voleur de moto à Ansogo, au Sud de Gao.
Cette peine était censée être appliquée la semaine dernière. Mais des jeunes de Gao s’y étaient violemment opposés. Le report ne s’est donc pas transformé en grâce.
Selon des témoins, la sentence a été exécutée sur une place publique en présence de plusieurs dizaines de curieux.
"C'est la loi de Dieu (…) C'est la charia qui exige ça " a expliqué à l'AFP Mohamed Ould Abdine, un chef islamiste d'Ansongo.
Envers et contre tous
Les islamistes que s’ils avaient reporté l'application la peine, ce n’était point sous la pression populaire. « La dernière fois, nous avons reporté l'amputation à cause de l'intervention des notables, non à cause de la population qui ne peut rien » a indiqué Mohamed Ould Abdine.
Cette amputation est la première depuis que les villes de Gao et de Tombouctou sont sous la coupe réglée des islamistes du Mujao et d’Ansar dine. Elle risque de ne pas être la dernière. « Dans quelques jours, nous allons faire la même chose à Gao. Personne ne peut nous empêcher de faire ça », a menacé le chef islamiste.
Dans un rapport publié devant le conseil de sécurité, mercredi, Ban Ki-moon, le secrétaire général de l’ONU, a appelé à prendre des « sanctions ciblées » contre les islamistes du nord Mali.
BBC

Nord-Mali: s'opposer au Mujao, ça peut très mal finir

L'AUTEUR
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Alors qu’au Nord-Mali, les islamistes du Mujao (Mouvement pour l'unicité du Jihad en Afrique de l'Ouest) martyrisent, amputent et lapident la population, certains se rebellent contre la charia, qui leur est imposée.
Des contestataires qui paient cher leurs actes de bravoure isolés.
A l’image d’Abdul Malick Maiga, animateur de la radio locale d’Adaar Khoïma, à Gao. Héros ordinaire, ce dernier a empêché l’amputation de la main d’un homme, relate le site d’information RNW.
A peu de choses près, son geste aurait pu lui coûter la vie. Le Mujao (Mouvement Unicité et Jihad en Afrique de l’Ouest) l’a violemment passé à tabac.
Résultat, Abdul Malick Maiga est désormais à l’hôpital.
Il témoigne à RNW du calvaire des habitants de Gao etTombouctou:
«Tous ceux qui ne veulent pas collaborer avec le Mujao sont menacés soit par message, soit par téléphone, soit rentrent chez eux. Tout le monde est menacé ici.»
Lui, plus que les autres. Car Abdul Malick Maiga avait également commis l’affront de mobiliser la jeunesse de Gao pour protester contre les dérives de la charia.
Et indirectement, contre le Mujao. La manifestation avait, le 5 août, remporté un franc succès.
En tant que journaliste, Abdul Malick Maiga est d’autant plus surveillé par le Mujao. L’organisation islamiste n’hésite d’ailleurs pas à l’intimider sur son lieu de travail. Preuve, s’il en fallait une, de ladifficulté d’informer les populations:
«Le 5 août, j’étais en studio pour présenter mon journal. J’avais à peine commencé une interview en direct, que j’ai vu des islamistes entrer avec leurs armes. Sans poser de questions, le premier m’a frappé dans le dos avec son arme. Ils ont commencé à me frapper de la tête aux pieds en me disant: Tu continues à nous critiquer! C’est ton dernier jour. Tu ne parleras plus. C’est fini.»
Laissé pour mort au milieu d'une route, Abdul Malick Maiga parviendra par miracle à recevoir des soins.
Et malgré les pressions et les menaces, il souhaite continuer son métier de journaliste:
«Je le fais pour les sans-voix. J’ai reçu le soutien de l’ensemble de la population de la région. Les jeunes, les femmes, tout le monde.»
Le journaliste égratigne sérieusement la position du gouvernement malien, resté à Bamako:
«Depuis que Gao est tombé le 31 mars 2012, le gouvernement n’a même pas envoyé une délégation pour assister les pauvres populations. Les zones occupées sont carrément délaissées et ici on pense que c’est la faute du gouvernement.»
Lu sur RNW