vendredi 28 novembre 2014

Libye : "Les islamistes usent de tous les moyens pour parvenir au pouvoir"

Mardi 25 Novembre 2014 à 05:00 | Lu 8302 fois I 84 commentaire(s)

PROPOS RECUEILLIS PAR RÉGIS SOUBROUILLARD

Le 6 novembre dernier, suite au recours déposé par un député islamiste, la Cour suprême libyenne a invalidé le parlement pourtant issu des élections du 25 juin et reconnu par la communauté internationale, aggravant ainsi la crise dans ce pays déjà plongé dans l'anarchie et la violence. Etat des lieux avec Hélène Bravin, chercheuse à l'Institut Prospective et sécurité en Europe, spécialiste de la Libye et auteur d'une biographie de Kadhafi.


Mohammed El-Sheikhy/AP/SIPA
Mohammed El-Sheikhy/AP/SIPA

Marianne : La Libye est plongée dans le chaos à la suite d'une lutte de pouvoir entre une autorité centrale et des milices islamistes qui contrôlent la capitale Tripoli. Le 6 novembre, la Cour suprême a décidé d'invalider le parlement issu des élections du 25 juin et reconnu pourtant par la communauté internationale. Que signifie cette décision ? 
Hélène Bravin : Cette décision signifie que les islamistes usent de tous les moyens pour parvenir au pouvoir. Au lendemain du soulèvement de 2011, lequel a été encadré par les islamistes, ils ont commencé à miner les administrations, plaçant leurs hommes aux postes clefs. Puis, ils ont destitué les hommes politiques par le biais de la loi sur « l’exclusion » politique ou en faisant voter une motion de destitution contre eux. Et cela tout en usant de la violence. Maintenant, ils passent par la Cour suprême pour que celle-ci abonde dans leur sens. La ficelle est un peu grosse. On sait pertinemment que l’invalidation de l’amendement de l’article 30 de la Déclaration constitutionnelle provisoire de septembre 2011, qui a permis l’organisation des élections du 25 juin dernier, s’est faite sous la pression des milices islamistes, des djihadistes et des milices tribales de Misurata. Deux des juges sur les seize que compte la Cour ont reçu des pressions parce qu’ils ne voulaient pas voter — la maison de l’un d’eux a notamment été incendiée —, et quatre autres juges ne cachent pas leur soutien aux islamistes dont le rapporteur même de la Cour.  
On assiste depuis peu à une véritable bagarre entre Tripoli, aux mains des milices islamistes et tribales de Misurata et qui y ont installé un gouvernement et un parlement fantômes, et le gouvernement et le parlement, issus des urnes le 25 juin dernier, installés réciproquement à Al-Baïda et à Tobrouk dans l’Est du pays. Différentes actions sont actuellement menées de part et d’autre, chacun voulant avoir la mainmise sur les finances, le pétrole et la représentation diplomatique.  
Face à cette situation, la communauté internationale doit être forte et continuer à appuyer le parlement en exil à Tobrouk et le gouvernement d'Abdallah Al-Thini qui seuls sont légitimes. Elle ne doit en aucune façon céder. Il existe des institutions à l’Est légitimes, issues des urnes, et d’autres illégitimes à l’Ouest. Il n’y a donc qu’un seul parlement et qu’un seul gouvernement. 
   
D’un point de vue militaire, quel est aujourd’hui le rapport de forces entre l’Armée nationale, les milices de Misurata, les islamistes et les djihadistes ? 
Aujourd’hui, deux blocs se sont constitués et s’affrontent en Libye. Il y a d’un côté, le bloc de l’Armée nationale (le général Haftar, les milices de Zentan et des tribus) et, de l’autre côté, un bloc constitué des milices de Misurata, des islamistes et des djihadistes. 
Cette partition se retrouve aujourd’hui sur toute la Libye. Dans certaines villes secondaires, des milices, déjà établies, sont en effet favorables à l’un ou l’autre camp. Au Sud, où les questions identitaires et de nationalités ont ressurgi, des combats ont déjà eu lieu. Des milices qui ont pris le parti de Misurata se battent contre d’autres milices pro-Armée nationale au sujet des puits de pétrole.   
Au vue de ce nouveau redécoupage de la Libye, on peut ainsi estimer qu’en terme de soutien affiché dans les villes secondaires, le rapport de force commence à être en faveur de l’Armée nationale. La situation sur le terrain peut toutefois encore évoluer, si par exemple l’Armée nationale décidait d’opérer sur Tripoli.    
   
On assiste donc à un recul des islamistes ? 
La situation est plus complexe que cela. Si auparavant les groupes extrémistes étaient discrets, maintenant ils ont pris pied dans certaines villes. La ville de Sirte (l'ancien fief de Kadhafi) est ainsi devenue un des fiefs de Ansar Al-Charia d’où ses membres peuvent alimenter en armes leurs frères combattants. Les hommes de Bel Mukthar, donc AQMI, eux, peuvent circuler librement d'Oubari dans le Sud-Ouest jusqu'à Misurata sur les côtes de la Méditerranée. Dans d’autres zones, c’est Al-Qaïda qui est présente.  

L'Armée nationale libyenne a-t-elle les moyens de combattre les djihadistes ? 
Tout d’abord, après Benghazi, il faut que l’Armée nationale combatte le fief djihadiste de Derna, à l’Est du pays, sachant que des djihadistes continuent d’y affluer. Il faut s’imaginer que ses combattants vont rencontrer des djihadistes qui ont prêté allégeance à Daech et sont prêts à tout pour vaincre, y compris couper des têtes comme cela a déjà commencé (quatre personnes engagées dans les combats viennent, dans des conditions horribles, d’être exécutées à Derna). Cette partie-là va être donc très rude et horriblement sanglante, si l’Armée nationale et son chef, le général Khalifa Haftar, décidaient de s’y engager. 
Ensuite, les choses se sont véritablement complexifiées. On trouve maintenant des djihadistes aussi bien à l’Est, à l’Ouest qu’au Sud. Des connections se sont, par ailleurs, établies entre les différentes régions. Tripoli sert par ailleurs de centre de recrutement de jeunes libyens pour la Syrie qui reviennent ensuite sur Derna ou Tripoli ; le maire de la ville y pourvoit… 
Enfin, l’Armée nationale ne dispose pas de matériels suffisants pour combattre djihadistes et islamistes. 
Compte tenu de ces éléments et à défaut de fournir des équipements sophistiqués comme des avions équipés de laser permettant de faciliter la tâche de l’Armée nationale, l’Occident doit intervenir franchement, afin de pilonner les sites d’armement lourd des milices islamistes et djihadistes et de leurs alliés, les milices de Misurata, dont la localisation est connue depuis longtemps. L’opération menée par les Emirats arabes unis (EAU), qui n’ont pas agi seuls, a ainsi permis de viser certains sites leur appartenant. Bien qu’insuffisante, cette opération a néanmoins freiné leur progression. Et couper, un temps, leur acheminement en armes. 
Par ailleurs, une intensification de l’intervention dans le Sud, déjà menée modestement par le survol de drones et de petites opérations de terrain, est également souhaitable, notamment si l’Armée nationale décidait d’aller à Derna puis à Tripoli. Une telle intervention de l’armée provoquera sans doute un repli important des djihadistes dans le Sud qui tenteront de franchir les frontières des pays voisins, dont l’Algérie, le Mali, le Niger. Si ces frontières sont bien gardées, les djihadistes ne pourront pas –ou du moins très peu — les franchir. Parallèlement à une intensification du pilonnage, une intervention terrestre pourrait alors être envisagée avec l’appui des locaux, notamment des Touarègues et Toubous qui connaissent bien le désert et favorables à l’Armée nationale libyenne. 
Mais l’Occident — notamment la France — a-t-il la volonté et surtout les moyens financiers d’assurer le « service après-vente », selon la bonne formule du Niger ? Quand on décide d’intervenir dans un pays, il faut, en effet, tout de même se sentir responsable des conséquences, surtout si cela se passe mal. Et ne pas s’en laver les mains.  
   
Le gouvernement libyen soupçonne le Soudan de faciliter le transport des armes fournies par le Qatar aux milices islamistes. Quels sont les pays qui interviennent en Libye ? 
Cela a valu au Soudan un rappel à l’ordre de la part du Premier ministre libyen, Al-Thini. On verra si cela sera suivi d’effet. D’autres pays interviennent. C’est le cas de la Turquie, de l’Egypte, des Emirats arabes unis (EAU). Certains alimentent les milices de Misurata, les islamistes et, par ricochet, leurs alliés djihadistes. C’est le cas du Qatar et de la Turquie. D’autres soutiennent l’Armée nationale et le général Haftar, comme l’Egypte et les Emirats arabes unis. 
  
Un éditorial récent du Monde affirmait que nombre de Libyens regrettaient le temps de Kadhafi. Qu’en est-il vraiment ?  
La disparition de Kadhafi a bel et bien provoqué un vide que les Libyens ont du mal à combler. Sous son règne la société civile vivait en paix, et cela n’a aujourd’hui pas de prix, même celui d’un bulletin de vote ! Depuis la fin du soulèvement des exactions sont exercées aveuglément sur la population. Les Libyens regrettent donc, avant tout, la paix et la sécurité de l’époque de Kadhafi, ce qui est beaucoup. Ceci explique ce sentiment de nostalgie par rapport à une époque où l’on pouvait se promener dans les rues sans danger. Et où les femmes se sentaient libres, sans fatwas, sans islamistes menant une guérilla. Du coup, trois ans après sa mort, la destitution de Kadhafi reste encore inexplicable aux yeux de beaucoup. Les questions fusent toujours autant. Pourquoi l’avoir destitué pour hériter ensuite d’un tel chaos ? Pourquoi l’avoir réintégré sur la scène internationale si c’était pour l’abattre ? Fallait-il l’abattre ? Certains Libyens disent qu’il souhaiterait à nouveau Kadhafi même avec ses défauts ! Le soulèvement a fait fuir plus d’un million de Libyens, actifs ou passifs pendant le soulèvement, hors du pays. Et l’on ne compte pas les réfugiés qui ont récemment fui Benghazi et Tripoli, depuis le début des conflits dans ces deux villes. Ils sont des centaines de milliers, c’est un désastre.

http://www.marianne.net/Libye-Les-islamistes-usent-de-tous-les-moyens-pour-parvenir-au-pouvoir_a242895.html#

Mali : Le spectre de la guerre civile

Leïla Beratto-El Watan
Les négociations de paix à Alger ont pris fin hier sans réelle avancée, alors que kidnappings, explosions de mines et affrontements entre groupes armés de différentes communautés inquiètent les observateurs.
Ce devait être la dernière étape. Lancée il y a une semaine, la nouvelle phase de négociations de paix entre les mouvements du Nord du Mali et les autorités de Bamako s’est terminée hier sans annonce. Depuis lundi, les discussions sont bloquées par la question du fédéralisme. Ce jour-là, les mouvements armés de la Coordination ont pu, à la demande du chef de file de la médiation, Ramtane Lamamra, expliquer les détails de leur proposition d’Etat fédéral. Les représentants du gouvernement malien «se sont fâchés», selon un participant. «On nous a ramenés dans l’étude du projet de fédération qui lui-même avait déjà fait l’objet de rejet il y a quelques semaines par la médiation», explique le ministre des Affaires étrangères malien, Abdoulaye Diop.
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 Les négociations entre mouvements armés du Nord et gouvernement de Bamako butent alors que la sécurité se dégrade sur le terrain.<br />
| © Minusma
Les représentants des groupes armés affirment, de leur côté, qu’il n’est pas question de céder sur cette revendication. «Après 50 ans et à cause du retard de développement, nous considérons que c’est le système qui ne fonctionne pas», estime Mohamed Ousmane Ag Mohamadoun, porte-parole de la Coordination. La session plénière de négociations devait officiellement se terminer avant-hier. Elle a été prolongée de fait. Tous les participants affirment être optimistes, mais l’actualité du terrain rattrape les négociateurs. Jeudi dernier, deux Touaregs, membres du HCUA, ont été retrouvés égorgés à 40 km de Kidal. Samedi, 12 enfants ont été kidnappés près de Kidal. Deux d’entre eux ont été tués alors qu’ils tentaient de s’échapper, selon un officier de l’armée malienne qui évoque un «enrôlement de force d’enfants soldats».
Mardi, le convoi du ministre du Développement rural a sauté sur une mine dans la région de Gao. Deux soldats maliens ont été tués. Inquiète, Washington, pourtant plutôt discrète sur cette question au cours des derniers mois, a envoyé à Alger la sous-secrétaire d’Etat adjointe en charge de l’Afrique, Bisa Williams, rencontrer tous les acteurs.
Radicalisation
Un observateur se dit très préoccupé : «Tous les ingrédients qui ont mené à la guerre de 2012 sont à nouveau réunis.» Dans les couloirs des hôtels, certains s’inquiètent d’une «radicalisation du gouvernement»; des propos tenus par des responsables à Alger et à Bamako laissent penser qu’une aile dure, partisane d’actions militaires, a désormais plus d’influence. En face, les représentants des mouvements armés estiment que si aucun accord n’est signé, ce sera le retour de la guerre. «La menace est grande. Les rebelles menacent mais d’autres acteurs plus dangereux menacent également», explique un participant de la Coordination, tout en affirmant que sur le terrain, de chaque côté, «chacun se prépare».
Dans son tout dernier rapport, International Crisis Group met en garde contre le ressentiment des populations : «Ceux qui sont restés au Nord-Mali ne voient guère les bénéfices de la paix et du déploiement d’une vaste mission onusienne.» Groupes djihadistes plus puissants, faiblesse de l’armée malienne et fragilisation de la parole politique pourraient conduire à un scénario catastrophe cette fois avec un risque supplémentaire. «Il y a de plus en plus de manifestations d’habitants  réclamant l’indépendance et qui sont insatisfaits du travail des mouvements armés. Il y a aussi des tensions entre communautés qui sont instrumentalisées. On risque la guerre civile», s’inquiète un observateur présent à Alger.
Mohamed Ousmane Ag Mohamadoun acquiesce : «On lève des milices contre nous en leur disant que nous allons leur retirer leur territoire, ce qui est faux.» Mais, un autre observateur nuance : «Certes, le sentiment que la communauté d’en face est responsable reste ancré, pourtant je ne pense pas qu’une nouvelle guerre se déclenche, puisqu’à présent, il y a des acteurs supplémentaires qui disposent de moyens importants pour que cela n’arrive pas, comme les Nations unies, l’Algérie ou la France.»
Leïla Beratto,http://www.elwatan.com/actualite/mali-le-spectre-de-la-guerre-civile-28-11-2014-279409_109.php

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