lundi 8 septembre 2014

Phénomène partisan et gestion post-conflit : Le cas nigérien, une réussite selon Abdoul Karim Saïdou

Lefaso.net

« Conflit armé et démocratisation en Afrique : cas du Niger », c’est en ces termes que s’intitule le sujet, objet de la thèse de doctorat de Abdoul Karim Saïdou. Une thèse en Science politique brillamment soutenue, le mercredi 3 septembre 2014 à l’Université de Ouagadougou, sous la présidence de Jean Pierre JACOB, professeur titulaire en Anthropologie et sociologie du développement à l’Institut des hautes études internationales et du développement (IHEID) de Genève en Suisse. L’on en retiendra que les partis politiques nigériens ont extrêmement contribué à la réinsertion sociale et politique des anciens rebelles touaregs et toubous.
Phénomène partisan et gestion post-conflit : Le cas nigérien, une réussite selon Abdoul Karim Saïdou« Admis au doctorat avec la mention très honorable », c’est par ces mots que le jury a sanctionné la soutenance qui aura duré plus de trois heures d’horloge. Ainsi, ‘’le laboratoire’’ du professeur Augustin Loada vient de produire un docteur de plus, le désormais Dr Abdoul Karim Saïdou. Celui-là même qui, du Nigeria a atterri à l’UO avec une Maîtrise en Science politique. Dans la continuité de cette branche, il commença des études doctorales. Et après une brillante soutenance en 2009 qui le consacre major de sa promotion au DEA (Diplôme d’étude approfondie), la présente thèse volumineuse de plus de 500 pages est venue confirmer l’étendue des connaissances de ce jeune passionné de la Science politique.
Dans le cadre de cette thèse, et partant du postulat selon lequel la consolidation démocratique dans les Etats post-conflits est tributaire du succès des processus de reconversion politique des anciens chefs rebelles, M. Saïdou a analysé la contribution du système partisan dans la gestion de la rébellion armée à répétition que le Niger a connue. De cette analyse qui a souffert d’une difficile collaboration de la ‘’grande muette’’ pourtant acteur clef, il ressort que les partis politiques ont extrêmement contribué à la gestion post-conflit au Niger. Et l’explication en est, selon le thésard, que ces partis politiques « ont pris en compte les anciens chefs rebelles qu’ils ont recrutés dans leurs rangs comme militants ». Et d’ajouter, « ils leur ont donné des postes de responsabilité dans l’appareil d’Etat ». Ce qui, précise-t-il, « a facilité leur insertion sociale et leur insertion politique ».
Des acteurs politiques toujours habités par l’esprit de violence
Toute chose qui fait dire à Abdoul Karim Saïdou que c’est la capacité distributive des partis qui les a rendus attractifs aux yeux des ex-chefs rebelles en quête de positions de pouvoir. Ainsi emballés par la rationalité politique que par l’idéologie, les chefs rebelles ont sacrifié le projet rebelle sur l’autel de leurs intérêts et sont devenus une élite d’Etat à part, transcendant le fait partisan. Ce qui est d’ailleurs salutaire, en termes non seulement de pacification des rapports sociaux, mais aussi de légitimation de l’Etat. L’on peut donc convenir que la présente thèse confirme la fonction pacificatrice de la démocratie multipartite.
Toutefois, prévient M. Saïdou, « l’émancipation par rapport à l’habitus de guerre est loin d’être effective ». Pour lui en effet, le militantisme partisan a certes transformé la culture politique de l’élite rebelle dans le sens du respect de la formule démocratique, mais la violence comme mode alternatif de participation n’est que partiellement extirpée. Sa conviction à lui, c’est que, « Ce qui maintient les ex-chefs rebelles dans une posture légaliste, est moins l’attachement à la démocratie que la défense de leurs positions politiques ». S’il peut en être de même chez les acteurs politiques civils ordinaires, il reste que les premiers ont le réflexe de recourir la violence et au registre identitaire, toutes les fois qu’ils viendraient à être menacés dans leurs positions avantageuses.
Une thèse innovante …
En tout état de cause, soutient Abdoul Karim Saïdou, « la réinsertion des ex-rebelles dans les forces armées est une entreprise risquée par rapport à leur réinsertion dans les partis politiques qui semble plus porteuse dans la consolidation de la paix ». Il y a donc lieu de considérer que le phénomène partisan malgré ses faiblesses, est un facteur extrêmement important dans la dynamique de gestion post-conflit et de renforcement de la démocratie.
Le moins que l’on puisse dire, c’est que la considération – clairement défendue par l’impétrant – des partis politiques comme un instrument de gestion post-conflit a été relevée par le jury. Mieux, le fait d’avoir réussi à concilier parfaitement une approche de la sociologie des partis politiques avec la théorie démocratique, a été apprécié par le jury qui a toutefois relevé que le travail a manqué d’intégrer une dimension comparative de façon systématique avec le Mali, un autre pays sahélien riche en rébellions armées touaregs. Au bout du compte, c’est une thèse à la fois innovante ne serait-ce que parce que les liens entre gestion post-conflit et démocratisation ont jusque-là suscité peu d’enthousiasme scientifique, et porteuse de contribution notable dans la compréhension et l’analyse des conflits armés au Niger et au sahel de façon générale, qui a emporté l’admiration du jury à l’issue d’une présentation démonstrative.
Signalons que le jury était composé, en plus du président et du professeur Loada le directeur de thèse, du membre Mahamadou ZONGO, Maître de conférences en sociologie, enseignant à l’Université de Ouagadougou, et de deux rapporteurs que sont Mahamane TIDJANI ALOU, Agrégé en science politique, Maître de conférences agrégé, enseignant à l’Université Abdou Moumouni du Niger et Alioune Badara DIOP, Agrégé en science politique, Maitre de conférences agrégé, enseignant à l’Université Cheick Anta Diop du Sénégal.
Fulbert Paré
Lefaso.net

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