samedi 25 janvier 2014

La sécurité au Sahel, un long chemin parsemé d’embûches

Jemal Oumar à Nouakchott pour Magharebia – 24/01/2014
Les évènements liés à la sécurité en 2013 résonneront longtemps dans la région du Maghreb, à moins que les pays ne prennent dès maintenant des mesures.
L’année qui avait commencé avec la guerre contre les extrémistes alliés à al-Qaida dans le nord du Mali s’est achevée avec le transfert de la menace terroriste dans le sud de la Libye, le nord du Niger et la région frontalière entre l’Algérie et la Tunisie.
L’offensive franco-africaine de janvier 2013 contre les groupes terroristes dans le Nord-Mali aura été l’évènement sécuritaire le plus important qu’ait connu la région. Avions et soldats ont porté de rudes coups aux bastions d’al-Qaida, du Mouvement pour l’unicité et le jihad en Afrique de l’Ouest (MUJAO) et d’Ansar al-Din.
  • [AFP/Ali Kaya] Des soldats tchadiens brandissent un drapeau et des armes appartenant à al-Qaida après les affrontements avec des militants islamistes l'an dernier dans le nord du Mali.[AFP/Ali Kaya] Des soldats tchadiens brandissent un drapeau et des armes appartenant à al-Qaida après les affrontements avec des militants islamistes l’an dernier dans le nord du Mali.
[AFP/STR] Le Président Moncef Marzouki devant le cercueil recouvert du drapeau de l'un des huit soldats assassinés en juillet dernier lors d'une embuscade dans le Jebel Chaambi.
[AFP/STR] Le Président Moncef Marzouki devant le cercueil recouvert du drapeau de l’un des huit soldats assassinés en juillet dernier lors d’une embuscade dans le Jebel Chaambi.
Cette opération a permis d’abattre plusieurs hauts dirigeants terroristes, de détruire des stocks d’armes et de couper des routes de ravitaillement. Mais elle a également contraint les survivants à s’enfuir dans le nord du Niger et en Libye, où une situation sécuritaire très précaire leur a fourni un environnement idéal pour s’implanter.
Après la guerre au Mali, Mokhtar Belmokhtar (alias Khaled Abou El Abbès, ou « Laaouar« ) a été repéré en train d’acheter des armes dans le sud de la Libye, plus précisément à Sabha et Ubari.
L’arsenal qu’il a acquis en Libye lui a par la suite permis d’orchestrer le siège sanglant du complexe gazier d’In Amenas en Algérie et les attentats suicides au Niger, à Arlit et Agadez.
« Nous pouvons dire que 2013 aura été l’année du jihad des terroristes », a affirmé le journaliste Mohamed Maaloom. « De nouveaux lieux du jihad se sont ouverts à eux, et les ont poussés à poursuivre leurs actions et à établir des contacts entre eux. Leur présence en Syrie a été précédée d’une phase de coordination en Libye et au Mali. »
Ces diverses escales leur ont donné l’occasion de partager leur expérience, leurs plans et leurs stratégies de guerre, a ajouté Maaloom.
La situation sécuritaire en Libye n’a été rendue que plus critique par les crises en Syrie et en Egypte, selon ce journaliste.
« Les terroristes ont commencé à y trouver une situation mieux adaptée pour prendre contact avec de nouveaux terroristes en Egypte, et bénéficier largement des succès enregistrés par les groupes militants en Syrie au début de la révolution », a poursuivi Maaloom.
Mais l’échec militaire des groupes terroristes les a poussés à chercher des alternatives.
Pour tenter d’atteindre la jeunesse au Maghreb et au Sahel, ils ont lancé plusieurs sites web jihadistes et ouvert des comptes sur les réseaux sociaux, en particulier Twitter, pour recruter et communiquer avec leurs partisans.
Le recrutement est particulièrement facile au Maghreb, explique l’analyste Sid Ahmed Ould Tfeil, du fait de l’utilisation très répandue des médias sociaux.
Il souligne que durant l’année 2013, « al-Qaida a réussi à prendre le contrôle des grandes provinces du nord du Mali et à renforcer son influence en Libye et au Niger. Cela lui permet d’attirer un grand nombre de nouvelles recrues qui croient dans les idées d’al-Qaida et dans sa force, dans la mesure où l’organisation a été en mesure d’entrer au Niger et d’y tuer quelques gardes, et même d’atteindre In Amenas. »
« Ce fléau persistera pendant des années si les gouvernements des pays du Maghreb ne changent pas de stratégie », met-il en garde.
Les terroristes exploitent le désespoir des jeunes, explique-t-il. « Ils s’efforcent de convaincre un jeune homme que le salut est dans la voie du jihad. »
Pour sa part, le militant Mohamed Ag Ahmedou s’interroge sur les perspectives de stabilité dans le nord du Mali.
Les groupes touaregs à l’origine d’une partie des agitations de l’an dernier représenteront le même enjeu, à moins que le nouveau gouvernement récemment élu au Mali ne trouve une solution à leur problème.
C’est la raison pour laquelle les attentats à la bombe se poursuivent à Kidal, explique-t-il à Magharebia. Les poches du terrorisme n’ont pas été éradiquées et pourraient pousser certains jeunes Touaregs dans l’année à venir à faire échouer les plans de développement dans le nord du Mali et à prendre pour cible les forces des Nations unies.
Pour Mehdi Ould Ahmed Taleb, journaliste mauritanien habitant en Arabie saoudite, il n’existe aucune différence entre 2013 et 2014 en termes de lutte contre la menace terroriste.
Il fait valoir que les pays du Maghreb devraient suivre l’exemple de la Mauritanie et adopter une approche de dialogue avec les extrémistes. Les Etats qui ont recours à la violence sont encore incapables d’éradiquer le terrorisme, ajoute-t-il.
« Le phénomène du terrorisme ne peut être combattu que si nous luttons contre les causes de son développement au sein de ces communautés », explique Ould Ahmed Taleb. « Les principales causes en sont l’injustice parmi les plus démunis et la tyrannie de l’élite au nom de l’autoritarisme. L’autoritarisme se refuse à accepter des opinions divergentes », poursuit-il.
« Ne pas écouter ces jeunes les poussent à la violence », poursuit ce journaliste. « Un dialogue sérieux et des discussions franches avec les gens est ce qui permettra de mettre un terme à ce phénomène. La force et la mainmise sur les opinions ne feront que les conforter dans leurs positions. »
Selon Mustafa Ould Bachir, chercheur mauritanien spécialiste de l’histoire du Maghreb, la seule manière de mettre un terme à la violence extrémiste est de travailler ensemble.
« Nous ne parviendrons pas à unir les efforts du Maghreb pour lutter contre le terrorisme sous toutes ses formes si nous ne scellons pas un pacte de sécurité entre ces cinq pays. Les efforts sécuritaires et logistiques doivent être mis en commun pour le combattre et l’éliminer », ajoute-t-il.
« Ensuite, vous pourrez développer la coopération entre ces pays pour éduquer les jeunes aux dangers de l’extrémisme, du terrorisme et du takfirisme et les sensibiliser à la modération, au centrisme et à la prévention de la religiosité extrême, conclut-il.
http://magharebia.com/fr/articles/awi/reportage/2014/01/24/reportage-01

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