vendredi 1 novembre 2013

Niger: “j’ai enterré ma famile”

Niger: “j’ai enterré ma famile”

BBC

Dernière mise à jour: 1 novembre, 2013 - 11:58 GMT
Les migrants ont été enterrés une fois retrouvés.
Les cadavres de 92 migrants ont été retrouvés mercredi au Niger, dans le désert, à une dizaine de kilomètres de la frontière algérienne. Ces victimes (7 hommes, 33 femmes et 52 enfants) sont mortes de soif quand leurs véhicules, en route vers l’Algérie, sont tombés en panne. Shafa, une Nigérienne de 14 ans, a survécu et raconte son histoire à la BBC.
On était en route pour l’Algérie pour rendre visite à des membres de la famille. Nous étions plus d’une centaine dans un convoi de deux véhicules. Notre camion est tombé en panne, et cela a pris un jour entier pour le réparer. Pendant ce temps là, nous nous sommes retrouvé à court d’eau. Nous avons réussi à trouver un puits, mais il n’y avait qu’un tout petit peu d’eau - l’un de nous est descendu dans le puits et a réussi à en extraire une toute petite quantité d’eau, mais le reste d’entre nous n’a rien pu boire. Les chauffeurs nous ont dit d’attendre pendant que les autres allait chercher de l’eau, mais une nuit et un jour plus tard, ils n'étaient toujours pas revenus.
C’est là que les gens ont commencé à mourir. 15 d’entre nous sont morts pendant ce deuxième jour sans eau. On a continué avec les cadavres dans le camion. A ce moment là le deuxième véhicule est revenu avec de l’eau, Alhamdulillah (Dieu merci).
Nous sommes tombés sur des forces de sécurité algériennes, mais les chauffeurs ont fait demi-tour parce qu’ils ne voulaient pas être découverts avec nous car le voyage était illégal. Ils nous ont demandé de nous cacher dans une tranchée, où nous avons passé une autre nuit, la troisième nuit sans eau. Une femme a commencé à se plaindre et un des chauffeurs nous a battu avec un tuyau.Beaucoup de femmes et d’enfants sont morts. Les chauffeurs avaient de l’eau dans des bidons, mais ils la gardaient pour eux.

“Je les ai enterrés”

A partir de là ils nous ont ramené au Niger. Notre eau était à nouveau épuisée. Nous étions là, assis aux milieu des cadavres dans le camion et nous avions faim. Une fois au Niger, les chauffeurs ont retiré les corps du camion pour les enterrer. Ils les ont déposés au sol, les mères d’abord, puis leurs enfants par dessus. Ils nous ont dit que ceux d’entre nous toujours capables de bouger seraient ramenés dans leur village.
Sur le trajet, les véhicules n’avaient plus d’essence, et ils nous ont demandé de l’argent pour en acheter. Ils nous ont dit de sortir du véhicule pendant qu’ils allaient chercher l’essence. Ils ne sont jamais revenus. On a attendu deux jours dans le désert, sans eau, sans nourriture, avant de décider de nous mettre à marcher. Certains véhicules passaient, nous avons essayer de les stopper mais personne ne s'arrêtait. Une des voitures qui passait a même heurté trois personnes de notre groupe et les a tuées.
Nous n'étions plus que huit, dont ma maman et mes jeunes soeurs. Quand nous étions fatigués, nous nous sommes assis sous un arbre, et c’est là que ma soeur est morte. Nous l’avons enterrée là. Puis nous avons continué à marcher, et après un jour, ma deuxième soeur est morte. Puis au troisième jour ma mère est morte. Je les ai toutes enterrées moi même.

Sauvée

Aucun des véhicules qui est passé n’a accepté de s'arrêter pour me prendre. Après un moment j’ai trouvé un arbre, je me suis assise à l’ombre, et j’ai failli abandonner… puis une voiture est arrivée. J’ai retiré mon chemisier et j’ai fait des grands gestes désespérés. Il s’est arrêté et m’a demandé ce qui était arrivé et je lui ai raconté. Ils m’ont donné du lait et une galette de riz. J’ai mangé un petit peu, mais je ne pouvais pas continuer, alors ils m’ont fait du thé. C’est seulement ensuite qu’on s’est dirigé vers Arlit, ou j’ai pu retrouver mon grand-père.
Maintenant je suis ici, mon père est mort il y a longtemps, maintenant ma mère est morte, je n’ai pas de soeurs, pas de frères. Je vis avec ma tante. J’ai entendu que seul moi, une autre petite fille, et 18 hommes ont survécu au voyage, sur la centaine que nous étions.

Aucun commentaire: