mercredi 30 octobre 2013

Exploitation minière au Niger
Une chimère nommée Imouraren
sur Aïr Info N° 164-165
Il se passe des choses bien étranges dans nos sociétés minières.
Notre confrère Le courrier avait en son temps dénoncé certaines pratiques ayant rapport avec la Plateforme d'Areva et les exactions commises par celleci. Depuis, beaucoup d'eau a coulé sous les ponts. La plateforme a été dissoute sur instruction du Chef de l'Etat Mahamadou Issoufou et les sociétés Somaïr, Cominak et Imouraren ont regagné une relative autonomie vis à vis d'Areva Mines.
Areva n'est donc plus la caverne d'Ali Baba bien qu'elle gère toujours les aspects à " forte demande de synergie " tels que les Systèmes d'Information, la Géologie, le développement durable et la communication. Décortiquer ces fonctions et leur manque à gagner pour le Niger ne serait pour nous qu'une perte de temps, d'autant plus que le gouvernement suit le sujet de très près et connait aujourd'hui au centime près le jeu de refacturation d'Areva sur ses "filiales".
Ce qui nous intéresse ici est le projet Imouraren, et surtout la faisabilité d'un début d'exploitation pour 2015 et les retombées pour le Niger.
Pour le premier point, il n'est de secret pour personne que le Président de la République a fait du début d'exploitation à la mi-2015 son cheval de bataille. Imouraren est comme qui dirait son "bébé". Il veut le voir aboutir pour le bien-être des populations nigériennes et ne laisse donc aucune marge de manoeuvre à Areva dans ce sens. Un nouveau report de l'exploitation n'est pas négociable et Areva le sait. Cependant, connaissant la fébrilité du cours actuel de l'uranium et sachant qu'aucune reprise n'est prévue avant 2018-2020, Areva en tant qu'entreprise privée dont le seul but est le profit n'a aucun intérêt à promouvoir un projet de deux (2) Milliards d'Euros qui n'aura aucune rentabilité à court et moyen terme.
Pire encore, tous les analystes s’accordent sur le fait que l'annonce même de l'ouverture d'une mine à ciel ouvert d'une capacité de 5 000 tonnes par an (Somaïr et Cominak combinés) entrainera une chute conséquente du prix de l'Uranium. Que faire dans ce cas pour Areva ?
Soit on joue la montre, ce qui vu les positions du Chef de l'Etat Mahamadou Issoufou est impossible ! Soit on dépense au mieux les deux (2) milliards d’Euros d'enveloppe quitte à mettre le projet sous cocon en 2016. Et c'est là que l'on retrouve toute la subtilité et le savoir-faire de la plus grande firme multinationale dans le domaine de l'Uranium.
Comment faire pour dépenser 2 Milliards d'Euros (1500 Milliards de FCFA) dans une société de droit Nigérien (Imouraren S.A) sans que le Niger n'en profite ?
Tout d'abord, on commence par ne pas financer ces investissements avec son propre argent. Ensuite, afin d'éviter l'incidence d'un prêt bancaire sur son bilan, Areva se débrouille pour qu'un tiers (tout sauf une banque) lui prête l'argent. Comment ? Tout simplement en ouvrant une société en France dénommée Areva Expansion et à travers laquelle elle vend une partie de ses actions Imouraren à des Chinois et à des Coréens. Ces derniers non seulement paient pour les actions Imouraren, mais acceptent même d'ouvrir à Areva la ligne de crédit nécessaire au financement du projet et le tour est joué. Areva dispose maintenant de deux (2) Milliards d'Euros qu'elle peut dépenser à sa guise sans aucun impact négatif sur son bilan financier.
Comment faire pour que les dépenses effectuées au niveau d'Imouraren aient un impact positif sur les revenus du groupe?
La seule et unique voie est LA REFACTURATION.
La plateforme est peut-être dissoute mais il n'en demeure pas moins que les refacturations du groupe continuent. L’ancien directeur financier de la Plateforme semble avoir été promu Directeur Général d’Imouraren justement à cet effet.
Coïncidence ? Surement pas ! Aucune marge d’erreur n'est permise lorsqu'il s'agit de deux (2) Milliards d'Euros. Le travail de celui-ci serait de mettre en place tous les canaux de rapatriement de cet argent vers la métropole.
Des sociétés dans lesquelles Areva est actionnaire sont donc mises à contribution (TSU, Euriware), ainsi que d'autres sociétés françaises, le but étant que seule la France et ses multinationales (en difficulté économique actuellement) profitent de cette manne. Les sociétés nigériennes se retrouvent donc avec quelques bons de commandes çà et là tandis que les sociétés françaises ramènent les deux (2) Milliards d'Euros des Coréens à la maison.
A titre d'exemple, dans le domaine du transport, tandis que les sociétés nigériennes avaient procédé à une augmentation de leurs capacités pour faire face aux besoins du projet Imouraren et que toute la région d’Agadez s’était mobilisée afin de devenir un pôle logistique de premier ordre, à Aïr Info, nous sommes choqués d'apprendre qu'une société Française du nom de Geodis avait remporté l'appel d'offre pour l'ensemble Logistique/transport. Au demeurant, un appel d’offre auquel les Nigériens n’ont même pas été conviés. Une prestation de plusieurs millions d'Euros nous est refusée. Le pire dans tout cela est que Geodis ne dispose même pas d'un seul camion. Tout le travail est donc soustraité à des sociétés nigériennes pour un moindre coût.
Qu'est ce qui empêchait au DG d'Imouraren d'octroyer ce marché directement à des sociétés nigériennes compétentes telles que Cat Logistic avec laquelle Geodis soustraite aujourd'hui ?
Qu’est ce qui l’empêchait de morceler le marché en plusieurs tranches afin que tous les grands transporteurs du Niger et de la région d’Agadez en particulier puissent saisir quelques retombées du Mega Projet tant attendu ?
Rien bien sûr, si ce n'est sa mission de rapatriement des capitaux.
Dans le domaine des transports toujours, les sociétés aériennes nigériennes telles que Tamara, THS et Air Niamey auraient été effarées d’apprendre l’an passé qu’une société inexistante sur leur sol en l’occurrence Chalair venait de s’accaparer le contrat de transport de Imouraren, Somaïr et Cominak. Un manque à gagner de plusieurs dizaines de milliards pour nos aviateurs locaux qui s’efforcent tant bien que mal à trouver des solutions idoines au désenclavement de notre pays. Malheureusement pour eux, il semble qu’une fois encore le DG ait répondu à l’appel de la nation (sa nation bien entendu) au lieu de s’efforcer de choisir l’avionneur le plus expérimenté et le plus efficace. Résultat des courses, Aïr Info a appris que le mois dernier, les passagers de Chalair sont passés près de la catastrophe. Le pare-brise de l’avion s’était rompu en plein vol et seule une intervention divine a sauvé les cadres embarqués à bord. Depuis, les sociétés minières se sont rabattues sur Tamara en attendant que l’avion en question soit réparé.
Sur ce dossier il convient d’interpeller le ministre des transports afin de comprendre comment une société étrangère peut sans être implantée au Niger, gagner des contrats à la barbe de nos avionneurs et obtenir en si peu de temps son agrément de vol !
De plus, après un tel incident, ne devrait-on pas sanctionner la compagnie en question en lui retirant ne serait-ce que pour un temps déterminé son autorisation de vol ?
Avec la création de la compagnie étatique annoncée en conseil de ministres, Chalair ne devrait-elle pas être invitée à plier bagages ? L’ « Appel de la patrie » ne s’arrête malheureusement pas au domaine du transport à Imouraren.
On retrouve un autre exemple dans la gestion des Ressources Humaines, un domaine où à priori on comprendrait très mal qu'une société, même étrangère, cherche à gruger le peuple nigérien. Imouraren représente à terme un potentiel de 4500 emplois pour le Niger. De quoi absorber une grande majorité de nos jeunes diplômés pointant aujourd'hui au chômage. Le Chef de l'Etat en est conscient et c'est pourquoi il insiste autant sur le début des travaux.
Le DG de l'ANPE a d'ailleurs dans ce cadre été particulièrement vigilant en bloquant systématiquement les demandes de permis de travail d'expatriés français pour les fonctions pour lesquelles des profils nigériens étaient disponibles. Nous l'en félicitons. Cependant, afin de contourner les visas de travail, Imouraren passe aujourd’hui par des cabinets de portage tels que GPC. Ceux-ci lui mettent à disposition des "intérimaires" pour des fonctions allant du cadre supérieur à l'ouvrier qualifié.
Ces prestations s'élèvent aujourd'hui à plusieurs milliards de nos francs (au moins 100 000 Euros par an pour chaque intérimaire) tandis que nos jeunes sont rétrogradés à la technicité dans le domaine du ataya et du gnébé par manque d'emploi.
Cette utilisation des cabinets de portage n'a en soi aucun avantage économique pour la société car un nigérien avec le même profil coûterait 10 fois moins cher à l'embauche. Elle n'a donc de sens que dans la perspective d'un rapatriement de capitaux comme avancé plus haut.
Une mention honorable dans ce cadre à Mme Bertaud Elsa (cost controler d’ Imouaren) qui est même arrivée à dégoter à son mari un contrat de plus de 4 Millions de FCFA par mois pour des prestations de coordination construction. L'homme n'est pourtant pas ingénieur en Génie Civil et même s'il l'était, Nous pensons que le Niger regorge de ce genre de profils qui auraient pu faire l'affaire. Sans oublier que le recrutement d'un conjoint est catégoriquement interdit par la charte de la société. D'où l’utilisation de la prestation pour tromper les autorités. Il est ironique que celle qui a été recrutée par le DG d’Imouraen pour s’occuper du contrôle de Coût de la société Imouraren soit aussi celle qui ne se refuse rien en termes de dépenses. Outre les frais engendrés par le recrutement de son mari, cette super employée a aussi demandé à changer de maison pour une villa plus chère et plus cossue à côté du lycée la Fontaine. L’ancienne villa avec piscine dans laquelle elle était au plateau n’était apparemment pas de son « standing ». Le DG cherchant de manière tout à fait incompréhensible à l'accommoder, a accepté de faire louer à la société une maison supplémentaire. Le contrat de bail de l'ancienne maison courant sur un an, Imouraren S.A se retrouve donc à payer un loyer conséquent supplémentaire avec une maison vide sur les bras. Au demeurant, nous éviterons ici de rentrer dans son propre recrutement à elle en tant que contrôleur de coût elle qui, de formation, n’est ni financière ni comptable. A ce rythme-là, elle risque d’être très vite promue Directrice Financière sous le nez de nigériens bien plus compétents.
Imouraren S.A excelle aujourd'hui dans la médiocrité managériale et est devenue la vache à lait du groupe Areva et de quelques employés prébendiers en son sein.
Nous sommes très inquiets du fait qu'à ce rythme, en 2015 les compagnies et la population active du Niger n'auront profité d'un seul copeck de la phase d’investissement. Sans oublier le fait qu'un coût à la tonne trop élevé à cause des dépenses tous azimut de ces faucons pourrait contraindre le projet à mettre les clés à la porte. Les Nigériens attendent beaucoup de la rencontre avec le directoire d’Areva. De la qualité des acquis de ces échanges dépendra notre appréciation du patriotisme de nos dirigeants.
Le président Issoufou a certainement à coeur toutes les attentes du peuple nigérien qui entend désormais jouir des retombées de ses richesses minières. Nonobstant toutes les menaces de fermeture de sites miniers du Niger, la présente occasion est l’une des meilleures pour non pas relire les contrats qui nous lient à Areva mais les abroger et repartir sur une base nouvelle prenant en compte notre légitime ambition; celle du renouveau du Niger !
Ibrahim Manzo DIALLO
Exploitation minière au Niger / Une chimère nommée Imouraren sur Aïr Info N° 164-165
Aïr Info N° 164
Aïr Info N° 164

Aucun commentaire: