vendredi 19 avril 2013


LIBYE / ENTRETIEN - 
Article publié le : vendredi 19 avril 2013 à 15:52 - Dernière modification le : vendredi 19 avril 2013 à 17:07

Othman Bensasi sur RFI: «Il n’y a pas de fuite massive de jihadistes vers la Libye»

RFI
Othman Bensasi, membre du CNT, représentant de la ville de Zouara.
Othman Bensasi, membre du CNT, représentant de la ville de Zouara.
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Par Christophe Boisbouvier
Othman Bensasi est le conseiller politique du Premier ministre libyen. Au micro de RFI, il rappelle les problèmes auxquels se trouve confronté son pays. Celui des milices armées en est un. « Les Katayebs posent problème », reconnaît-il, en raison de l’absence de contrôle à cent pour cent par l’Etat. L’enquête sur l’attaque du consulat américain à Benghazi se poursuit, a-t-il ajouté. Il affirme aussi que les sept ressortissants français retenus en otage au Mali n’ont pas été transférés en Libye.


Des enlèvements, des attaques de commissariat de police à Tripoli, est-ce que deux ans après la révolution, les milices ne continuent pas de faire la loi en Libye ?
Othman Bensasi : Bien évidemment, il y a des problèmes de temps en temps dans les grandes villes, notamment à Tripoli et Benghazi. Mais bon... C’est des petits problèmes. Ce n’est pas du tout général. Mais ici, j’ai eu un entretien il y a deux jours avec le ministre des l’Intérieur. Il est très rassurant, il travaille durement et il travaille très très bien d’ailleurs. Pour la première fois, je crois qu’on a un ministre qui est très efficace. Et je pense qu’il est sur la voie pour organiser la police à Tripoli et Benghazi, et dans les petites villes près de la frontière.
Je ne vous cache pas que nous avons un énorme problème à régler, sur toutes les milices armées qui ont gardé leurs armes jusqu’à présent, qui sont bien installées, bien organisées et donnent des salaires à leurs soldats, etc. Donc effectivement, c’est un problème qui existe.
Vous parlez des milices. Depuis un mois, le gouvernement d’Ali Zeidan tente de les déloger de quelque 500 propriétés privées qu’elles occupent à Tripoli, je crois. Mais elles n’ont pas l’air d’accord, et cela provoque un bras de fer non ?
Il y a deux sortes, effectivement, de groupes armés. Vous savez, il y a des groupes qui sont très importants. Les petits groupes qui posent des problèmes, ce que l’on appelle nous ici des petits voyous, qui occupent des fermes, qui occupent des endroits qui appartiennent à d’autres gens. Ceux-là, le ministère de l’Intérieur et le ministère de la Défense, sont partis à leur chasse. Mais par contre, ce que l’on appelle les « katayebs » ici, les grosses unités, personne ne les attaque aujourd’hui.
Et est-ce que ces « Katayebs » ne sont pas devenues la véritable armée de votre pays ?
En quelque sorte, elles sont la véritable armée. Quand il y a un problème, par exemple comme au sud de la Libye, ce sont eux qui font face. Ce n’est pas l’armée régulière. Donc, ils sont là pour garder actuellement les frontières, pour sécuriser le pays. Mais en même temps, ils posent un problème, parce qu’ils ne sont pas du tout contrôlés à 100 % par l’Etat.
Ce qui veut dire en réalité que votre Etat est dans les mains de quelques grosses milices privées ?
Non. C'est-à-dire, l’Etat négocie, discute en permanence avec ces grosses unités, pour justement intervenir dans certaines zones et pour les calmer aussi, pour pouvoir continuer à travailler.
Qu’est-ce qu’il faut faire ? Est-ce qu’il faut dissoudre ces unités, ces « Katayebs » pour construire une nouvelle armée ?
Il faut faire le contraire. Il faut d’abord construire l’armée et construire la police. Et ensuite dissoudre ces milices. Parce qu’en fait, on ne peut pas aujourd’hui les dissoudre, tant qu’on n’a pas de remplaçant. Il faut absolument qu’il y ait une armée régulière organisée, pour pouvoir les remplacer.
Une armée qui n’existe pas aujourd’hui...
Depuis quelques mois, il y a quand même un travail qui a été fait. Ce n’est pas efficace. Il y a des problèmes aussi. Mais le ministère de l’Intérieur, oui. Moi, je vous le dis clairement : nous n’avons rien à cacher. Vous savez, ici en Libye, tout est clair...
C'est-à-dire que la police commence à voir le jour plus vite que l’armée ?
Plus vite que l’armée, oui. C'est le fait que ce nouveau ministre travaille durement, efficacement. Mais par contre, pour le ministère de la Défense, je pense qu’il va y avoir un remaniement bientôt, dans quelques jours.
A Benghazi, la situation est encore plus difficile qu’à Tripoli. Où en est l’enquête sur l’attaque du consulat américain qui a fait quatre morts, dont l’ambassadeur des Etats-Unis, le 11 septembre ?
L’enquête continue. Il y a des arrestations. Vous savez, l'Etat américain travaille dessus. Il y a tout le monde sur ce problème-là.
Les enquêteurs américains sont là ?
Tout le monde est là. Tout le monde cherche à trouver des responsables de cette attaque. Et même nous, en Libye, nous souhaitons, bien sûr, les retrouver, les juger, les punir durement, parce que les responsables de tout ça nous dérangent beaucoup !
Apparemment, dans l’est ce sont des islamistes comme Abou Fares, le commandant local à Berna, qui font la loi. Est-ce que la Cyrénaïque n’est pas en train d’échapper totalement à l’autorité de l’Etat ?
Non! Non ! (…). Effectivement, à Berna il y a un problème très clair et bien localisé. Berna est une ville qui actuellement est sous contrôle pratiquement total des extrémistes. Et heureusement que c’est bien localisé dans cet endroit-là, et que ça ne s’étale pas sur le reste. On préfère qu’ils restent dans cette ville, parce qu’on les voit bien, on sait où ils sont. Mais par contre, s’ils se dispersent et s’ils rentrent à Benghazi ou à Tripoli, ce sera encore beaucoup plus difficile.
Autre région très instable, le grand Sud libyen. Le 16 janvier, les assaillants du site algérien d’In Amenas venaient de Libye. Est-ce que les frontières de votre pays ne sont pas devenues des passoires ?
Les frontières effectivement, sont très, très mal contrôlées. Nous avons 7 000 kilomètres de frontières. C’est très difficile. Par contre, les attaquants d’In Amenas ne sont pas venus de Libye. Ils sont venus d’Algérie même.
Depuis l’offensive des troupes françaises et tchadiennes, au nord du Mali, beaucoup de jihadistes ont tenté de s’enfuir vers votre pays. Est-ce qu’ils sont dans le grand Sud libyen ?
Non, il y a une unité qui contrôle la zone. Depuis qu’il y a eu ce problème au Mali, il n’y a pas eu de fuite vraiment massive vers la Libye.
Avez-vous des informations sur la présence éventuelle du chef jihadiste Mokhtar Belmokhtar dans le sud de votre pays ?
Mais lui, normalement, il a été tué dans la dernière attaque au Mali d’après mes informations ! Je ne pense pas qu’il soit vivant actuellement.
La France a perdu la trace de ses sept ressortissants retenus en otage au Mali. Est-ce qu’ils pourraient avoir été transférés en Libye ?
Non je ne pense pas. Ici, en fait, dans toute la zone du Sud, les gens savent bien ce qui se passe tous les jours. Il y a très peu d’habitants dans le sud de la Libye et c’est très difficile de cacher les otages, parce que tout le monde donne des informations sur tout le monde. La Libye fait des contrôles actuellement par avion, il y a des contrôles terrestres, et c’est une zone militaire.
Et ces contrôles sont faits par les drones des Américains, par exemple ?
Il y a le contrôle par les avions libyens, les avions de chasse militaires libyens, les hélicoptères libyens. Il y a aussi les interventions de drones. Donc, il y a un contrôle, effectivement...
Des drones américains au-dessus du grand Sud ?
Des drones américains prêtés à l’armée libyenne.
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