dimanche 16 décembre 2012

Mali: La guerre n’aura pas lieu…

Moustapha DAHI Posté le 16/12/2012 à 13H37 Mali: La guerre n’aura pas lieu… L’ONU devrait, ces jours prochains, donner son feu vert à l’envoi d’une force internationale de 3.300 hommes dans le nord du Mali, occupé depuis huit mois par des groupes d’islamistes armés. Pour autant, personne ne souhaite la guerre. De notre correspondant au Mali. «Sur le plan militaire, il ne se passera rien, parce que c’est extrêmement difficile et que personne n’en veut. Mais surtout parce qu’on ne traite pas le terrorisme, la faillite politique des États de la zone et le développement du trafic de drogue, des armes et des êtres humains par une intervention militaire», dit clairement un officier général français en ajoutant: «On a laissé cette situation se détériorer, tout en sachant qu’on risquait de le payer très cher et très longtemps». Comment en est-on arrivé là? Octobre2011, la guerre de l’Otan en Libye et la chute du régime de Kadhafi entraînent le retour au nord du Mali de nombreux Touaregs ayant combattu dans les rangs de l’armée libyenne. Avec un afflux d’armes dans la région, ce repli alimente aussi la reprise de la guerre d’indépendance des rebelles du Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA) contre l’État central. Le président Amadou Toumani Touré est renversé par un coup d’État militaire. L’unité du pays éclate lorsqu’après avoir pris Kidal, le MNLA s’empare aussi de Tombouctou, de Gao et contrôle tout le nord du Mali. L’alliance des rebelles et des mouvements islamistes La proclamation de l’indépendance de l’Azawad consolide une alliance tacite entre le MNLA et plusieurs mouvements islamistes, dont Aqmi (Al-Qaïda au Maghreb islamique) qui détient des otages français. Sept personnes ont été enlevées au Niger (cinq Français, un Togolais et un Malgache), toutes salariées d’Areva et d’une filiale de Vinci. Le coup a été revendiqué le 21septembre 2010 par AQMI dans un communiqué diffusé par la chaîne de télévision du Qatar, Al Jazeera. Depuis l’automne 2011, le Mali et la zone sahélienne se sont transformés en «Afghanistan de proximité», déplore un ancien patron de la Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE), ajoutant que «l’ensemble de la zone sahélienne constitue désormais une menace qui cible non seulement l’Europe, mais tout particulièrement la France». Focalisées sur l’Irak, l’Afghanistan, les autres crises proches orientales et celle de l’euro, les chancelleries occidentales et capitales africaines ont mis du temps à réagir. Le 11novembre à Abuja – capitale du Nigeria – 15 pays de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao) approuvent l’envoi d’une force africaine. Cette mobilisation de façade constitue la suite logique de la résolution 2.071 de l’Onu présentée par la France et adoptée à l’unanimité un mois plus tôt. Mais le «plan stratégique» de la Cédéao, prévoyant une force de 3.000 hommes, doit être encore approuvé par l’Union africaine qui, à son tour, renverra le texte au Conseil de sécurité pour qu’il vote une nouvelle résolution autorisant l’intervention. Celle-ci devrait être adoptée avant Noël et finalisera une indéniable réussite technique de la diplomatie française, et notamment de son ambassadeur chargé du Sahel. Mais il n’est pas sûr que ce savoir-faire multilatéral suffise à changer la donne… Les jihadistes grossissent les rangs Car, pendant ce temps, sur le terrain, les groupes islamistes – qui ont supplanté les Touaregs – appliquent la Charia, consolident leurs pouvoirs et leurs capacités militaires. Des jihadistes de la Corne, du Soudan et du Maghreb – 2.000 selon la Direction du renseignement militaire – débarquent dans le nord du Mali. Plus inquiétant : s’opère une jonction opérationnelle avec les fanatiques de la secte nigériane Boko Haram. Les militaires mouillés dans tous les trafics Le 20novembre dernier, à l’issue d’un entretien avec le ministre marocain des Affaires étrangères, Saad Eddine El-Othmani, l’envoyé spécial de l’Onu au Sahel, Romano Prodi, estime que «les experts s’accordent pour dire qu’une action militaire dans le nord du Mali ne sera possible qu’en… septembre2013». Pour sa part, le ministre marocain affirme que son pays n’est pas enthousiaste quant à l’éventualité d’une action militaire, indiquant que la stratégie du royaume vis-à-vis du Mali privilégie d’abord un règlement politique. Il ajoute que le Maroc souhaite épuiser toutes les solutions pacifiques avec le soutien des pays de la Cédéao. Quelques jours plus tard, le président mauritanien, Mohamed Ould Abdel Aziz, déclare que son pays n’est « pas prêt» à s’engager dans une «guerre» au Mali, tout en se montrant méfiant envers d’éventuelles discussions avec Ansar Dine, l’un des groupes islamistes qui occupent le nord du Mali. Enfin, selon nos informations, les principaux opposants au déploiement d’une force de la Cédéao sont les responsables militaires eux-mêmes du Mali, de Mauritanie et du Niger. «Impliqués dans le trafic de drogues, d’armes et d’êtres humains, explique l’un des responsables du service Action de la DGSE, la plupart d’entre eux ne souhaitent pas qu’on vienne perturber les bonnes affaires qu’ils continuent à faire avec certains groupes islamistes et les contrebandiers qui dominent désormais le Sahel». Autant dire que la guerre du Mali n’aura pas lieu… Etienne Pellot / letelegramme.com/ SOURCE: Autre Presse du 16 décembre 2012

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