jeudi 2 août 2012

01-08-2012
LE TEMPS D'ALGÉRIE ENTRE À KIDAL
Des groupes du MNLA «tolérés», présence suspectée du Mujao et d'Aqmi

Arrivé jeudi la nuit à Kidal, le convoi acheminant des aides humanitaires algériennes à la population de cette ville du nord du Mali se dirige vers une bâtisse inachevée pour y passer la nuit. Il s'agit d'un hôtel en construction. Presque toute la ville était plongée dans le noir. Le problème de l'électricité est sérieusement posé au nord du Mali.
A l'hôtel, des dirigeants d'Ançar Eddine se trouvaient dans l'attente du convoi. Le mouvement contrôle la ville et dispose de la logistique pour la distribution des aides humanitaires aux habitants. Il faut aussi, pour ce faire, localiser les endroits où les tentes des nomades sont installées pour pouvoir leur acheminer leur part. Ançar Eddine en avait les moyens. Les responsables du Croissant-Rouge algérien (CRA) faisant partie du convoi le savaient. Pour eux, l'essentiel est que les aides arrivent aux populations.
Courtois, les dirigeants d' Ançar Eddine disent aux humanitaires algériens et ceux qui les accompagnaient : «La construction de l'hôtel n'est pas finie. Vous passez la nuit à l'intérieur des chambres si vous le voulez, ou à l'extérieur. C'est comme vous voulez.»  Un haut responsable politique du mouvement armé ajoute : «Le dîner sera bientôt servi.» Ce qui fut fait. «Rapportez-leur de l'eau et des boissons gazeuses», lance-t-il en direction d'autres membres d'Ançar Eddine.
L'eau, les boissons gazeuses et le jus étaient les bienvenus pour les membres du convoi après une journée d'une chaleur implacable passée en route dans le désert. On reconnaît des marques algériennes parmi les rafraîchissements, dont l'eau minérale «El Goléa», la boisson gazeuse «Tadje» et le jus fruité «Rani». L'alimentation en énergie électrique est rétablie, au grand bonheur des personnes présentes sur les lieux.
Après une longue discussion sur le chemin emprunté pour arriver jusque-là et autres sujets abordés, les dirigeants d'Ançar Eddine présents décident de quitter les lieux.
C'était pour permettre aux membres du convoi de se reposer. Postés çà et là dans la bâtisse, fort probablement pour escorter leurs cadres, des éléments d'Ançar Eddine, armés de kalachnikovs quittent les lieux en même temps que leurs chefs.
Une partie des membres du convoi est allée directement dormir, qui dans des chambres, qui à l'extérieur. De petits groupes ont prolongé leurs discussions avant de s'endormir à leur tour.

Police islamique
A notre réveil, le lendemain matin, nous apercevons des dizaines d'hommes vêtus de sortes de gilets noirs au dos desquels est mentionné «Police islamique». Les membres de cette police venaient, eux aussi, de se réveiller. Comme nous, ils avaient passé la nuit à la belle étoile dans la cour de l'hôtel. On ne sait pas à quelle heure ils étaient venus car nous dormions quand ils sont arrivés.
Le lendemain, et après nous être désaltérés, départ au centre de santé de référence de Kidal. Le président du Croissant-Rouge algérien (CRA), le Docteur Benrezuig Hadj Hamou, et le chef de mission, le Docteur Adel Ghibouli, cherchaient à évaluer les besoins de cet hôpital en médicaments et effectifs médical et paramédical.
En entrant la veille de nuit à Kidal, les deux humanitaires ainsi que les membres du convoi avaient découvert que cet hôpital était plongé dans le noir. Il y a déjà la nécessité de doter l'hôpital en groupe électrogène.
De retour de l'hôpital, les humanitaires se dirigent vers le siège de la Croix-Rouge malienne pour l'organisation du dépôt des aides humanitaires en vue de leur distribution à la population. Nous apprenons que deux des trois camions acheminant ces aides, et bloqués la veille dans la boue, avaient réussi à se dégager et à regagner Kidal. Le troisième restait toujours bloqué.

«Ces aides viennent à point nommé»
Rencontré au siège de la Croix-Rouge malienne, Assilakane Ag Intiruouit, président du comité régional de Kidal, déclare que «l'Algérie n'est pas à sa première opération, elle est à son énième opération d'aides humanitaires au bénéfice de la population du Mali, en particulier celle de Kidal». «Il faut reconnaître que l'année est très très dure et ces aides humanitaires viennent à point nommé», ajoute-t-il. A l'intérieur du siège de la Croix-Rouge malienne de Kidal, nous n'avons pas trouvé une goutte d'eau.
La chaleur augmentait et comme l'a dit  Assilakane Ag Intiruouit, l'année est très très dure. Le nord du Mali au climat subtropical devait normalement être inondé d'eaux de pluie. Les pluies sont au contraire rares, très rares. «Quand il y a de l'eau, c'est d'el khessyane (puits en langue tamasheq) que nous ramenons de l'eau potable. Là c'est presque la sécheresse», dira un membre d'Ançar Eddine.

«Il ne faut pas sortir»
Nous allions sortir,  Adel, chef de mission et moi, pour l'achat de l'eau quand des éléments d'Ançar Eddine se trouvant à bord d'un véhicule stationné juste à l'extérieur nous disent : «Non, il ne faut pas sortir. Retournez à l'intérieur.»
Devant notre insistance, ils acceptent de nous laisser sortir pour quelques minutes seulement. On nous explique que c'est pour des considérations sécuritaires. Si des groupes du mouvement national de libération de l'Azawad (MNLA) sont «tolérés» à Kidal par Ançar Eddine, des groupes du Mouvement pour l'unicité et le jihad en Afrique de l'Ouest (Mujao) et d'Al Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi) pourraient se trouver dans la ville.
Situation assez confuse qui ajoute au caractère très dur des conditions de vie des populations du nord du Mali qui reprennent espoir avec ces aides qui leur apportent un message, celui de ne pas avoir été abandonnés. C'est dans un grand garage que les aides octroyées par l'Algérie ont été déposées dans un grand garage, attendant leur distribution. Mission accomplie. Sur le chemin du retour, nous rencontrons le troisième camion resté bloqué dans la boue. «On va lui envoyer de l'aide pour l'en sortir», nous dit-on.
Mounir. Abi.

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