samedi 21 juillet 2012


Le paiement d’une rançon à un groupe terroriste basé au Mali suscite la colère des habitants du Sahel

Jemal Oumar et Bakari Gueye pour Magharebia à Nouakchott – 20/07/12
Une rançon aurait été versée pour la libération des humanitaires, affirment les terroristes.
[AFP/Adek Berry] Le ministre italien des Affaires étrangères Giulio Terzi a déclaré que la libération d'une ancienne otage humanitaire est une "excellente nouvelle". Le ministre italien des Affaires étrangères Giulio Terzi a déclaré que la libération d’une ancienne otage humanitaire est une “excellente nouvelle”.[AFP/Adek Berry]
Un groupe affilié à al-Qaida dans le nord du Mali a indiqué, jeudi 19 juillet, qu’une rançon de 15 millions d’euros avait été versée en échange de la libération de trois travailleurs humanitaires enlevés en Algérie en octobre dernier.
Un porte-parole du Mouvement pour l’unité et le djihad en Afrique de l’Ouest (MUJAO) a déclaré à l’AFP que le réseau terroriste avait également obtenu la libération d’un suspect détenu dans le cadre de l’enquête sur ces enlèvements.
“Nous avons obtenu 15 millions d’euros pour la libération des trois otages, ainsi que la libération d’un moudjahidine emprisonné en Mauritanie”, a déclaré Walid Abu Sahraoui à l’AFP.
Un porte-parole du ministère espagnol des Affaires étrangères a confirmé que la libération d’Aïnhoa Fernandez Rincon et d’Enrico Gonyans avait été obtenue et qu’un avion spécial avait été envoyé pour les rapatrier en Espagne. Par ailleurs, le chef de la diplomatie italienne Giulio Terzi a indiqué que la libération de sa compatriote Rossella Urru était une “excellente nouvelle”.
Ces trois humanitaires avaient été enlevés le 23 octobre dans un camp de réfugiés administré par le Polisario à Rabuni, au sud de Tindouf.
Mais le paiement d’une rançon à un groupe terroriste entretenant des liens avec al-Qaida a été largement condamné au Mali et dans l’ensemble du Sahel.
“Les Occidentaux financent le terrorisme sans le savoir”, a ainsi expliqué Abdoul Samake, enseignant vivant à Gao.
“Tous les pays concernés paient des contreparties pour voir libérer leurs ressortissants au Sahel”, a-t-il ajouté. “Et quand ce ne sont pas les gouvernements, ce sont des sociétés privées. Cela doit cesser. Selon les experts, aujourdhui plus de 90 pour cent des ressources d’AQMI proviennent des rançons versées.”
Birama Diakite, volontaire au sein d’une ONG de Gao, a expliqué que les habitants du nord du Mali avaient “beaucoup souffert du terrorisme”, faisant revenir la région “des siècles en arrière”.
“Les terroristes ont détruit les villes et les gens sont dans une situation très dure”, a-t-il poursuivi. “Beaucoup ont fui. L’Etat n’existe pas ici et ces groupes sont puissants. Ils sont aidés par certains pays, mais aussi par l’argent des rançons. Les pays européens et l’Amérique ne doivent plus accepter de verser de l’argent à ces gens qui sont très dangereux même pour eux-mêmes.”
Mountaga Tall, l’un des responsables du Parti de l’initiative démocratique au Congrès national malien, s’est déclaré opposé au paiement des rançons, parce que cela “ne fait qu’encourager les terroristes à envisager d’autres enlèvements”.
“Pour moi, la meilleure manière de lutter contre le terrorisme est de ne payer aucune rançon”, a-t-il expliqué. “Quand les terroristes verront que les enlèvements ne leur rapportent plus d’argent, et qu’aucune rançon ne sera versée pour obtenir la libération des Occidentaux, ce phénomène des enlèvements s’arrêtera automatiquement.”
Pour sa part, le Mouvement national pour la libération de l’Azaouad (MNLA) s’est également opposé à ce type de rançon.
“Il va sans dire que nous sommes contre le paiement de rançons à ces groupes terroristes qui sont aujourd’hui considérés comme l’ennemi numéro un dans notre pays”, a expliqué un membre de la cellule des relations extérieures du groupe sous condition d’anonymat.
“S’ils obtiennent de l’argent, ils renforceront leurs positions dans l’Azaouad et seront en mesure d’acheter des armes, de recruter des jeunes et des enfants et de corrompre les gens. Nous sommes également opposés à l’échange de prisonniers avec eux, parce que cela leur donne confiance en eux et leur confère le sentiment d’être en position de force”, a ajouté ce responsable du MNLA.
Ibrahim Maiga, enseignant dans le village de Niafounké, a pour sa part expliqué à Magharebia : “Le paiement de rançons est vu comme une justification des actes de terrorisme, leur confère une sorte de légitimité et les encourage à reproduire de tels actes. Il encourage également le banditisme au sein du peuple malien et pousse les gens à considérer chaque Occidental comme une marchandise plus ou moins rentable. Cela revient à encourager une culture de la brutalité.”
“Le paiement de rançons en échange de la libération des otages revient à verser de l’argent à un voleur pour récupérer les objets qu’il a dérobés”, a-t-il ajouté.
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