jeudi 21 juin 2012


Ançar Eddine l’a réaffirmé à Blaise Compaoré : intransigeance sur l’application de la charia

 Le mouvement islamiste Ançar Eddine, qui a planté son drapeau «vert» à Tombouctou au nord du Mali, est plus que jamais décidé à appliquer la charia (loi islamique) dans les territoires tombés sous son contrôle.
«Nous avons remis une lettre de Iyad Ag Ghaly (leader d’Ançar Eddine) médiateur Blaise Compaoré. Nous voulons seulement l’application de la charia», a révélé hier, une source proche du mouvement à l’AFP. De fait, Ançar Eddine, qui s’est engagé dans des négociations  avec le mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA), ne compte pas céder sur son idéal d’un Etat islamique au Nord voire dans tout le Mali. La délégation dépêchée à Ouagadougou est finalement partie pour juste informer le médiateur de la Cédéao que l’application de la charia est un principe dogmatique aux yeux de Ançar Eddine et qu’il n’est pas sujet à la négociation. La même source précise qu’en plus des pourparlers qui ont débuté lundi à Ouagadougou, une autre délégation d’Ançar Eddine se «trouve actuellement en Algérie pour des discussions avec le pouvoir».
Ançar Eddine à Alger ? Cela paraît bizarre pour un mouvement peu glorieux et aux connections aussi diverses que douteuses. A Alger, aucune source n’a confirmé ni infirmé «l’information». Une hypothèse qui reste tout de même possible dès lors que l’Algérie est directement touchée par tout ce qui se passe au Mali, à une portée de fusil de ses frontières. Alger a donc toutes les raisons du monde pour tenter de rabibocher ces frères ennemis du Mali au risque de précipiter la région dans une grave dérive ethnico-religieuse. Et l’insistance du mouvement Ançar Eddine à hisser le drapeau de la Dawla Islamia à contre-courant du MNLA, inquiète plus qu’elle ne rassure, vue d’Alger.
L’équation se corse un peu plus quand on sait l’intrusion du Qatar dans le bourbier du Sahel. Déjà suspecté d’être le financier des groupes islamistes radicaux comme le Mujao, voire même quelques éléments de la nébuleuse Al Qaîda, l’agitation du richissime émirat a de quoi inquiéter l’Algérie. L’hebdomadaire satirique français le Canard  Enchaîné a révélé dernièrement que la Direction du renseignement militaire (DRM) a mis en garde l’Elysée quant aux agissements nocifs du Qatar dans la région du Sahel. Il avait même fait état d’aide en dollars accordée par l’émir aux groupes islamiques de la région.
Le Qatar «conseille» Ançar Eddine
Des révélations que confirment en filigrane la source proche de Ançar Eddine citées par l’AFP selon laquelle une délégation du mouvement s’apprête à aller au…Qatar. «Pour avoir la paix, il faut  aller partout. Nous pensons même qu’on va aller aussi en Mauritanie, et même au Qatar si c’est nécessaire», a-t-elle précisé. Sauf que la paix, selon Ançar Eddine, c’est imposer la charia et si possible à tout le Mali. Ançar Eddine est donc dans un processus de crédibilisation de son option de pouvoir au Mali. En Algérie, en Mauritanie et évidemment au Qatar, il cherche caution et onction. Mais le MNLA ne l’entend pas de cette oreille pour au moins deux raisons. D’abord il tient particulièrement à son principe d’autonomie voire de l’indépendance du Mali pendant que Ançar Eddine souhaite imposer l’Etat islamique sur tout le territoire.
Ensuite, le MNLA est un mouvement plutôt laïc qui verrait d’un mauvais œil l’application de la charia sur son territoire. Ces divergences profondes expliquent l’échec des négociations sur une improbable fusion des deux mouvements aux objectifs diamétralement opposés. Et le compromis paraît pour le moins difficile entre deux camps qui campent bien sur leurs positions.  «La médiation burkinabé veut arranger les choses entre nous et le MNLA qui a une délégation à Ouagadougou. Nous n’avons pas de problème s’il veut venir avec nous, mais c’est la charia.» Cette déclaration d’un membre proche de Ançar Eddine sonne comme une fatwa qui a vocation à être exécutée…  Et la police des mœurs de Ançar Eddine a déjà commencé à sévir depuis hier : un jeune couple non marié a subi le châtiment.
100 coups de fouet pour un «couple» non marié au Mali
Un homme et une femme, qui ont eu un enfant sans être mariés, ont reçu hier cent coups de fouet chacun à Tombouctou (nord-ouest du Mali), donnés par des membres du groupe islamiste armé Ançar Eddine qui contrôle la ville, ont rapporté des témoins à l’AFP. «Sur la place Sankoré de Tombouctou (centre), un homme et une femme ont reçu cent coups de fouet chacun pour avoir eu un enfant hors mariage», a déclaré Mohamed Ould Baby, un élu de la ville, information confirmée par d’autres témoins. M. Ould Baby a précisé que c’est la première fois qu’un couple est ainsi puni depuis la prise de Tombouctou par les islamistes début avril. «C’était comme un spectacle, les gens ont regardé ça. C’est Ançar Eddine qui a organisé la séance de coups de fouet», a-t-il ajouté en précisant qu’il était lui-même sur place. «J’ai vu les jeunes descendre d’un véhicule sur la place, puis les coups de fouet.
C’est la première fois que je vois ça», a-t-il affirmé. Les deux jeunes gens sont ensuite allés se faire soigner à l’hôpital de Tombouctou, a indiqué une source hospitalière qui a précisé que la jeune femme «a toujours des vertiges et qu’elle est souffrante». Cette jeune femme, âgée de 18 ans et mère d’un premier enfant, est enceinte de trois mois, selon sa famille.  Un responsable de la police islamique de Tombouctou a affirmé que six autres femmes ayant eu des enfants hors mariage seront prochainement  «sanctionnées» par la charia (loi islamique). Ançar Eddine, dont l’objectif est d’imposer la charia dans tout le Mali, contrôle la ville de Tombouctou depuis près de trois mois avec ses alliés d’Al Qaîda au Maghreb islamique (AQMI). AFP
                                                               

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