lundi 14 mai 2012


A LA UNE INTERNATIONAL
 

Alors que le MNLA peine à éloigner l'islamisation de l'AZAWAD

un nouveau mouvement armé s’oppose à Al Qaîda et Ançar Eddine

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le 14.05.12 | 10h00 Réagissez
 
 Un nouveau mouvement armé dans la région de l’Azawad.
zoom | © D. R.
Un nouveau mouvement armé dans la région de l’Azawad.

Les dirigeants du Mouvement national pour l’indépendance de l’Azawad (MNLA) et de Ançar Eddine étaient en conclave, hier à Gao.

Au même moment, un nouveau mouvement armé, le Mouvement républicain pour la restauration de l’Azawad (MRRA) était créé par le colonel Elhadj Ag Gamou. Son objectif : contrer les groupes islamistes armés du nord du Mali et exiger l’autonomie politique de l’Azawad.Jusqu’en fin de journée d’hier, la réunion entre les dirigeants de Ançar Eddine, et du MNLA se poursuivait toujours dans une ambiance d’alerte maximum. A l’ordre du jour de cette rencontre, la question de la religion qui semble diviser profondément les parties au nord du Mali. En effet, le MNLA qui avait lancé sa «révolution» pour un Etat laïc s’est vu damer le pion par Ansar Eddine, un groupe dirigé par Ayad Ag Ghaly, qui l’a aidé à libérer Kidal, Gao et Tombouctou, pour en faire des «khalifat» et y instaurer la charia.
Lors du congrès des chefs de tribu tenu à Gao, il y a quelques jours, le chef d’état-major militaire du MNLA, le colonel Mohamed Ag Najiim, avait pesé de tout son poids «pour faire prendre conscience aux notables du nord du Mali la nécessité de chasser les groupes d’Al Qaîda et de récupérer les armes» qui circulent en dehors de ses troupes.
Pendant ce temps, les groupes djihadistes affiliés à Al Qaîda, ainsi que Ançar Eddine et Ansar multipliaient les opérations de recrutement et d’endoctrinement des jeunes sur le terrain.
Des cadres du MNLA affirment que lors de la réunion d’hier, deux questions étaient à l’ordre du jour. La première avait trait au régime qui sera instauré dans la région du Nord. «Ayad veut l’application de la charia, mais les dirigeants du MNLA ont fini par lui faire admettre que seul le peuple est habilité à décider de la nature du régime. Si ce dernier décide, à l’issue d’un référendum, qu’il faut instaurer la charia, ce sera fait», explique notre source, qui précise que les débats étaient houleux du fait que les deux parties campaient sur leurs positions. «Mohamed Ag Najiim a réussi à les faire reculer sur un point très important, lié à la dénomination du nouvel Etat de l’Azawad. Ançar Eddine et Ansar voulaient maintenir ‘République islamique de l’Azawad’ et le MNLA préférait ‘République de l’Azawad’.» Le débat a duré des heures du fait de l’intransigeance des uns et des autres.
«Les points sur lesquels ils se sont entendus, c’est que les armes détenues en dehors du MNLA soient déposées et qu’un gouvernement provisoire doit être créé d’ici le 17 mai prochain», note notre interlocuteur. Pour lui, cette date sera probablement celle de «l’annonce du gouvernement mais aussi du délai que les groupes d’Al Qaîda devront respecter pour quitter le territoire, faute de quoi, ils seront combattus. Tout le monde a pris conscience du fait que plus le temps passe, plus ces organisations renforcent leurs positions et leurs moyens matériels et humains».
Ce conclave, faut-il le relever, intervient au moment où le colonel-major Elhadj Ag Gamou, que tout le monde croyait au Niger, annonce la création d’«un nouveau groupe armé, dénommé le MRRA», avons-nous appris auprès de son porte-parole, Ishaq Ag Housseyni. Selon ce dernier, la nouvelle organisation armée «est composée de Songhays, de Peulhs, d’Arabes et de Touareg. Elle aspire à une large autonomie politique et son objectif est de combattre les islamistes afin de récupérer l’Azawad pour le réinstaurer au sein de la République du Mali». Le mouvement a exhorté les combattants du MNLA et du Front national de libération de l’Azawad (FNLA), qui réclament l’autonomie et non l’indépendance, à rejoindre ses rangs pour libérer le territoire des groupes islamistes armés. De ce fait, il a également exhorté la communauté internationale à l’«aider», à le «soutenir» et à «mettre tous les moyens nécessaires» à sa disposition «afin de livrer bataille aux islamistes et permettre à la population une vie paisible».
Pour ce qui est du dialogue avec Bamako, Ishaq Ag Housseyni affirme : «On ne pourra dialoguer qu’une fois la menace intégriste éloignée. Nous pensons qu’un fort statut particulier de l’Azawad est nécessaire pour qu’il n’y ait plus de nouvelles rébellions et, d’ailleurs, les spécificités locales de l’Azawad appellent à un statut particulier. Réticents à la multiplication de mouvements ayant le même objectif, et étant contre toute tribalisation de cette lutte, nous appelons tous les combattants, sans distinction d’ethnie, à nous rejoindre. Nous ne pouvons attendre plus longtemps, car chaque jour les intégristes renforcent leurs positions et recrutent davantage de jeunes désœuvrés. Un soutien fort de la communauté internationale est nécessaire à l’aboutissement de notre combat. Tous les combattants du MNLA et du FNLA doivent nous rejoindre pour être acteurs de la libération.»Le colonel Elhadj Ag Gamou est à la tête de près d’un millier d’hommes, selon son porte-parole – d’un peu plus de 500 hommes, selon d’autres sources – «équipés de quelque 250 véhicules dont certains de combat».
Ces alliances qui font peur au MNLA
Ancien pilier de l’armée malienne au nord, et ex-commandant de la caserne de Kidal d’où il dirigeait les opérations militaires, Elhadj Ag Gamou avait pris la fuite au début du mois d’avril après une offensive des combattants du MNLA et de Ançar Eddine qui avaient mis sa tête à prix. Pour échapper à cette sentence, il avait annoncé son ralliement au MNLA et réussi quelque temps après à s’exfiltrer avec plus de 500 hommes au Niger. Dès son arrivée à Niamey avec quelques-uns de ses éléments, il annonce son soutien à l’armée malienne et l’assure publiquement de sa fidélité. Entre 350 et 400 de ses hommes avaient par la suite réussi à rejoindre Bamako, et le reste, notamment des Touareg, est resté non loin de Niamey.
Il y a quelques jours, tout le monde se posait la question sur le sort d’Elhadj Ag Gamou, ce militaire de carrière issu d’une grande tribu touareg, Imghad, qui a été commandant de la région militaire de Gao. Avec le colonel-major Mohamed Ould Meidou, originaire des tribus arabes et ancien commandant de la région militaire de Mopti, il était le plus redouté au nord du Mali eu égard à l’influence de sa tribu et surtout sa maîtrise du terrain. L’entrée en lice de son mouvement sur le terrain va créer la surprise et risque de faire changer totalement la donne, d’autant que ses positions rejoignent celles du FNLA, constitué essentiellement de tribus maures et arabes, notamment sur les questions de la lutte contre les groupes intégristes et de l’autonomie politique de l’Azawad. 
Certains n’écartent pas une alliance entre ces deux mouvements, auxquels pourrait se joindre Ould Meidou, celui que certains disaient qu’il avait rejoint Al Qaîda. «Nous avons entendu dire qu’il aurait rejoint Al Qaîda, mais nous ne le pensons pas. Il a, certes, disparu, mais nous sommes convaincus que c’est pour mieux revenir. Il est probable qu’avec Hadji Ag Gamou, il pourrait s’entendre pour reprendre le terrain aux mains des intégristes et des indépendantistes. Le MNLA n’aura d’autre solution que de revenir sur ses positions indépendantistes, sinon il éclatera», déclare un membre du MRRA. En tout état de cause, la situation au nord du Mali ne cesse de se dégrader au vu du renforcement de plus en plus important des groupes d’Al Qaîda et autres intégristes armés dans la région, où «les négociations pour la libération des sept otages algériens se poursuivent», nous dit-on de bonne source.
«Les captifs ont été déplacés vers Gao, où les tractions ont lieu avec l’intermédiaire de quelques notables membres de Ançar Eddine. Nous sentons qu’ils sont très inquiets ces jours-ci. Ils se déplacent de plus en plus et semblent en état d’alerte», explique notre interlocuteur. Pour lui, les décisions, qui vont clôturer le conclave entre le MNLA et Ançar Eddine, ainsi que la naissance du MRRA, sont pour beaucoup dans cette «panique» qui vraisemblablement s’empare des groupes djihadistes. «Ils commencent à comprendre que la République islamique ou le khalifat n’a pas de place au nord du Mali», conclut notre source. D’ici là, il est à craindre que la région puisse sombrer dans une guerre fratricide entre tribus imghad-ifoghas, arabes-ifoghas, ou alors entre les combattants du MNLA venus de Libye et les autres pour son contrôle.
Salima Tlemçani

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