dimanche 13 mai 2012


Blaise se noie dans les eaux du Djoliba

Tamoudre.org
Malgré des incontestables atouts entre ses mains, Blaise Compaoré s’embourbe dans sa médiation au bord du fleuve Djoliba. Son erreur, c’est d’avoir entretenu un monstre (la junte militaire)en dépit des réticences de ses pairs. Décryptage d’une situation qui risque d’échapper à leurs géniteurs.
Le monstre serait-il en train d’échapper à ses maîtres ? Si ce n’est pas encore le cas, on n’en est pas loin non plus. Ce qui est certain, il est très en colère. Il est fâché contre ses protecteurs accusés d’avoir trahi le pacte qui les lie depuis la signature de l’accord cadre le 1er avril dernier.
Le capitaine putschiste Amadou Sanogo et ses hommes en veulent au médiateur Blaise Compaoré de les avoir lâchés lors du sommet des chefs d’Etat de la CEDEAO tenu le 26 avril à Abidjan.Pour le signifier, il a fait monter la pression à la garnison militaire de Kati, son QG depuis leur coup de force contre le président Amadou Toumani Touré (ATT) le 22 mars dernier. Cette pression va culminer dans la matinée du samedi 28 avril.
Les soldats sortent leur arsenal lourd et certains se positionnent en direction de la capitale Bamako qui se trouve à 15 km de Kati. Avaient-ils l’intention d’aller occuper l’hôtel Salam où se trouvent les bureaux du président intérimaire ? Ils ne cachent pas en tout cas leur hostilité envers ce président. Ils cristallisent leur haine contre cette personnalité parce que, selon eux, c’est lui qui aurait manigancé à Abidjan pour que la CEDEAO en arrive là. Le président Traoré les emmerde aussi parce qu’ils estiment qu’il a usurpé la place de leur capitaine. Ils avaient accepté de céder la place sous la pression de l’embargo, mais aussi de la promesse voilée de la médiation burkinabè qu’après les 40 jours de l’intérim constitutionnel, le capitaine Sanogo allait prendre le relai à la présidence. Les militaires avaient été confortés dans cette position quand la rencontre de Ouagadougou entre les acteurs maliens les 14 et 15 avril dernier avait fait un black-out sur la question de la durée de la transition et surtout du sort du président intérimaire. Ils avaient donc grand espoir que Blaise Compaoré allait les réhabiliter dans si peu de temps.
La nomination de Modibo Diarra avec leur onction et la participation de trois d’entre eux dans le gouvernement étaient des signes qui les confortaient dans leur optimisme. Les décisions de la CEDEAO du 26 avril ruinent cet espoir du retour effectif du capitaine Sanogo au pouvoir.
La douche froide de la CEDEAO
La déclaration finale du sommet des chefs d’Etat enjoint en effet la junte de se soumettre aux autorités civiles, à savoir le président intérimaire, Dioncounda Traoré et le Premier ministre Cheickh Modibo Diarra. La CEDEAO exige alors que les militaires rejoignent les casernes pour laisser la transition se dérouler normalement. La CEDEAO prolonge également de 12 mois le mandat du président intérimaire et par ricochet toute la transition. En prenant ces décisions, la CEDEAO entend être le seul maître de la transition au Mali. En quelque sorte, c’est la disparition du fameux CNRDRE qui est demandée. La CEDEAO veut mettre fin au bicéphalisme de pouvoir instauré par la junte avec la bienveillance de la médiation burkinabè. Voilà ce qui a mis le feu aux poudres. Le ministre des Affaires étrangères du Burkina Faso, Djibril Bassolet et son homologue ivoirien Adama Bictogo sont descendus daredare au camp militaire le samedi 28 avril. Ils sont restés toute l’après-midi à palabrer avec le chef de la junte.
Mais les deux parties se sont quittées sans accord. Cette fois-ci, les positions sont figées. D’un côté, la CEDEAO n’entend pas revenir sur ses positions et de l’autre, les militaires ne veulent pas non plus quitter la scène politique aussi rapidement. Pour ne pas donner l’impression d’un échec total, il a été convenu d’une rencontre à Ouagadougou entre les représentants de la junte et le médiateur. Le capitaine Sanogo devrait être reçu au cours de la semaine par Blaise Compaoré, le chef de l’Etat burkinabè.
L’impossible compromis
La tâche ne sera pas facile pour le médiateur burkinabè pour deux raisons. D’abord le comportement de la bande à Sanogo ces dernières semaines ont fini par discréditer sa stratégie qui consiste à ménager les militaires en les intégrant dans le processus politique. En arrêtant de façon arbitraire 22 personnalités politiques et militaires, la junte a commis une bourde qui se retourne contre elle et son allié Compaoré. La situation était devenue confuse du fait de ce bicéphalisme de pouvoir. De fait, les autorités de la transition n’avaient aucune prise sur l’appareil sécuritaire du pays. Toutes les institutions de la république se trouvent sous la menace des hommes de Sanogo qui imposent leur loi à qui ils veulent. Dans cette situation, autant dire que le retour à l’Etat de droit n’est qu’une fiction. Dans la réalité, la junte est toujours aux commandes. La CEDEAO ne pouvait pas accepter cette donne qui mettait à mal sa crédibilité.
Un recadrement était donc nécessaire et c’est ce qui a été fait à Abidjan le 26 avril. La médiation burkinabè n’avait pas d’argument pour s’y opposer, surtout que des voix s’élevaient de plus en plus pour fustiger son attitude jugée trop complaisante avec les membres de la junte. Blaise jouait donc sa crédibilité. Il a choisi de sauver sa médiation que d’aucuns commençaient à remettre en cause. La seconde raison qui condamne le CNRDRE, c’est l’encadrement de la médiation burkinabè elle-même. Le sommet a décidé de marquer Blaise Compaoré par le président nigérian, Goodluck Jonathan. « La Conférence salue et entérine le souhait exprimé par S.E.M Goodluck Ebele Jonathan, Président de la République Fédérale du Nigeria de se joindre aux efforts du Médiateur S.E.M Blaise Compaoré dans la résolution pacifique de la crise au Mali. », affirme le communiqué final. Est-ce un désaveu de la manière dont le président burkinabè a conduit la médiation ?
Ce n’est pas à exclure. Placer la junte au rang d’interlocuteur privilégié n’a pas été du goût de plusieurs pays, particulièrement la Côte d’Ivoire, le Nigéria et le Bénin. La médiation burkinabè a beau expliquer le bien fondé de l’accord cadre, les autres pays n’en avaient cure. Cet accord était en flagrant délit de contradiction avec les résolutions du premier sommet de la CEDEAO (le 28 avril) sur la crise au Mali qui enjoignaient les militaires de retourner dans leurs casernes. Pire, Blaise Compaoré a donné l’impression de jouer solo. C’est lui qui a imposé Modibo Diarra à la primature. Mieux, il a fait nommer son propre conseiller spécial comme seul ministre d’Etat, chargé des Affaires étrangères, l’énigmatique Sadio Lamine Sow. Les autres membres du club ont tenté d’équilibrer les choses en mettant aussi quelques personnalités dans le gouvernement.
C’est notamment le cas de l’ex-porte-parole de l’ONUCI, Hamadoun Touré réputé proche du président Ouattara.Mais la balance penche toujours pour l’homme de Kosyam. C’est la raison pour laquelle, les chefs d’Etat ont décidé d’encadrer davantage l’équipe burkinabè. Déjà le ministre Bassolet est scotché par son homologue ivoirien Bictogo, c’est maintenant au tour de Compaoré d’être chevillé au corps par Goodluck. Le Nigéria sans qui aucune opération militaire ne peut se faire dans l’espace CEDEAO voudrait aussi avoir son mot à dire dans la transition malienne. Il ne voudra pas envoyer ses troupes au Nord Mali sans avoir un œil sur le travail du gouvernement. Les 600 soldats de la CEDEAO qui devraient débarquer bientôt pour sécuriser les institutions de la transition ont une autre mission non officielle, celle de restructurer l’armée malienne qui n’existe aujourd’hui que de nom. La chaîne de commandement étant rompue depuis le coup d’Etat du 22 mars.
Pour la rétablir et pouvoir peser sur le cours des négociations avec les groupes armés du Nord, il faut d’abord la débarrasser de l’emprise du groupe de Sanogo qui a complètement oublié son alibi pour s’immiscer dans les affaires de l’Etat, à savoir l’incompétence du pouvoir déchu à faire face à la rébellion du Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA). Le CNRDRE s’est plutôt englué dans des positions de conquête de position politique que de reconquête du territoire perdu du Nord. Depuis le 28 avril, les militaires sont entrés dans une colère noire, se radicalisant à l’extrême. Aucune décision de la CEDEAO ne trouve grâce à leurs yeux. Blaise pourra-t-il les ramener à la raison ? Il lui revient en tout cas de désamorcer la bombe qu’il a contribué à fabriquer, sinon c’est sa médiation qui risque de se noyer dans les eaux troublées du fleuve Djoliba.
MUTATIONS N. 9 de mai 2012, Mensuel burkinabé paraissant chaque 1er du mois (contact : Mutations.bf@gmail.com)

1 commentaire:

Anonyme a dit…

eccowas has no busness to interfere in the free state of azawad imidiwan