samedi 28 avril 2012


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Sujet à la une

«On veut maintenir l’Azawad dans l’insécurité»

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28/04/2012
Entretien avec Masin FERKAL / Président de Tamazgha (“Monde berbère”), mouvement de solidarité avec le peuple berbère
Vendredi 6 avril dernier, le Mouvement de libération nationale de l’Azawad (MNLA) a proclamé l’indépendance de cette région touarègue située au nord de l’Etat malien. Hier, Alain Juppé, ministre français des Affaires étrangères, s’est félicité de la décision prise la veille par les chefs d’Etat ouest-africains d’envoyer des forces militaires régionales dans le nord du Mali. Entretien avec Masin Ferkal, président de Tamazgha (“Monde berbère”), mouvement de solidarité avec le peuple berbère basé à Paris.
Informations contradictoires, confusion… Pouvez-vous faire le point sur la situation ?
Le Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA), qui a déclenché les hostilités le 17 janvier dernier, a pu libérer le territoire pour y créer un Etat démocratique et laïque. C’est une revendication ancienne : il ne faut pas oublier que les Touaregs se battent depuis 1958. Les premières révoltes contre l’Etat malien sont apparues dès 1963, et l’Azawad a connu des conflits militaires dans les années 1990 et 2000. Cette fois-ci, en un temps record et en profitant du putsch à Bamako [le 12 mars 2012, ndlr], le MNLA a libéré l’Azawad.
Cette déclaration n’est pourtant pas reconnue…
Une fois que le territoire a été libéré et que l’Azawad a proclamé son indépendance le 6 avril, nous avons assisté à une véritable levée de bouclier. Etat malien, Cédéao, mais aussi communauté internationale menée par la France : tout le monde a rendu nulle cette déclaration. La France, dernière puissance coloniale en Afrique du Nord, continue à faire de l’ingérence en disant que l’Azawad n’a aucun sens.
Pourquoi ?
Ce sont les Français qui ont créé le Mali. Dès 1958, les Touaregs ont écrit au général De Gaulle pour lui dire que ces frontières étaient absurdes. Maintenant que le MNLA a libéré le territoire, la France parle de l’intégrité du territoire et déclare que l’Azawad est un refuge pour les islamistes, pour les gens d’Aqmi. Ce mouvement était déjà présent bien avant le MNLA et il n’agit pas qu’en Azawad. Nous savons, en plus, qu’Aqmi est une manipulation de l’Etat algérien. Si le phénomène s’est amplifié ces dernières semaines, nous pensons que les combattants sont surtout des soldats algériens pour mettre le trouble dans la région. Pour déstabiliser le MNLA et surtout justifier une éventuelle intervention militaire extérieure de la Cédéao, par exemple.
La France parle d’intégrité du territoire du Mali et de combat contre l’islamisme. Sont-ce, selon vous, les seules raisons qui expliquent sa réaction ?
Les explications de l’attitude de la France sont surtout économiques. L’Azawad regorge de richesses énergétiques non exploitées. Pour justifier une présence militaire, on veut maintenir cette région dans l’insécurité.
Tous ceux qui connaissent les sociétés berbères savent qu’elles sont laïques, égalitaires et démocratiques. Des vrais remparts à l’islamisme. La France est, en plus, très mal placée pour donner des leçons de laïcité. Il faut rappeler qu’elle soutient le CNT en Libye, Ennahda en Tunisie et le Qatar, véritable sponsor de l’islamisme. Avant de combattre Kadhafi, elle lui avait déroulé le tapis rouge.
La situation à Tombouctou, notamment est, semble-t-il, délicate. Certains médias parlent d’une prise de pouvoir d’Aqmi dans la ville. Qu’en dites-vous ?
L’Agence France-Presse fabrique l’information sur des témoignages non vérifiés. Toute la presse reprend ça. Selon mes informations, le MNLA contrôle l’essentiel du territoire. Ansar Eddine [le groupe islamiste] a quitté Tombouctou et Gao et se trouve proche des frontières algériennes.
A l’heure où la situation se tend, une sortie de crise est-elle possible ?
Le MNLA ne demande que de sortir de la crise. Tout dépend des Maliens. Pas question d’accorder une large autonomie. Les Touaregs veulent établir des relations de bon voisinage avec le Mali et concrétiser l’indépendance. S’il y a un référendum, il faut que le MNLA, représentant du peuple de l’Azawad, et la communauté internationale l’organisent ensemble. Le Mali n’a rien à faire dans son organisation.

Antton ROUGET

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