samedi 24 mars 2012


Monde : 48 HEURES APRÈS UN COUP D’ÉTAT MILITAIRE
Situation confuse au Mali


Le président malien a été renversé, jeudi, par un groupe d’officiers et de sous-officiers. Officiellement, les putschistes reprochent à Amani Toumani Touré — lui-même ancien militaire — son incapacité à faire face à la rébellion touarègue dans le nord du Mali.
Mais la situation reste encore totalement confuse, notamment à Bamako, la capitale, livrée aux pilleurs. Un couvre-feu a été imposé et toutes les frontières ont été fermées. Sans réelles revendications, les auteurs du coup d’Etat sont aujourd’hui totalement isolés, tant sur le plan interne que vis-à-vis de la communauté internationale. De son côté, Amani Toumani Touré serait encore dans la région de Bamako. Selon certaines informations, il se serait réfugié dans l’enceinte de l’ambassade des Etats-Unis. Pour d’autres, ATT aurait réussi à se retrancher dans une caserne tenue par des forces loyalistes. «La situation au Mali est explosive. Le pays subit les choix politiques imposés par le président déchu durant ces deux mandats», explique Yahia Zoubir, professeur de relations internationales et directeur de recherche en géopolitique à Euromed Management Marseille. Selon Yahia Zoubir, deux scénarios vont s’imposer très vite suite à la chute de Amani Toumani Touré : «Soit les militaires reprennent la situation en main, remettent en place des institutions légitimes tout en entamant des négociations avec les représentants des Touaregs de l’Azawad, sinon, le Mali risque de plonger très vite dans une guerre atroce.»
Tarek Hafid
HAMA AG SID-AHMED, PORTE-PAROLE DU BUREAU POLITIQUE DU MNLA :
«Ce putsch est le résultat d’un malaise au sein de l’armée malienne»Entretien réalisé par Tarek Hafid 
Le porte-parole du bureau politique du Mouvement national de libération de l’Azwad estime que le putsch contre le président malien est le résultat d’un «malaise social» au sein de l’armée malienne. Pour Hama Ag Sid-Ahmed, l’absence d’armement n’est qu’un «argument fallacieux» mis en avant par les militaires pour justifier leur coup d’Etat.
Le Soir d’Algérie : Comment expliquez-vous la réaction des militaires maliens auteurs de ce putsch ?
Hama Ag Sid-Ahmed :
 La réaction de la junte au pouvoir depuis mercredi est le résultat d’un malaise social au sein de l’armée. Un malaise qui a pris forme depuis plus d’une année. Cela a commencé la semaine dernière par une mutinerie dans une caserne. Les militaires ont exigé, entre autres, des arriérés de salaire. Mais il est cependant certain qu’il n’y a aucun parti politique derrière ce putsch. Actuellement, les auteurs du coup d’Etat ne gèrent absolument rien, ni sur le plan sécuritaire ni même sur le plan politique. Leur objectif premier consiste à tenter de se faire accepter par la population malienne puis par la communauté internationale. 
Les putschistes pourront-ils tenir longtemps dans cette situation de statu quo ? 
Ils sont totalement isolés. A Bamako, tout le monde savait que le dernier mandat d’Amani Toumani Touré avait été catastrophique. Mais dans la situation d’aujourd’hui, aucun parti politique ne pourra cautionner l’action des militaires putschistes.
Faut-il s’attendre, dans les prochains jours, à un retour du président Touré au pouvoir ?
Nous savons qu’il est toujours au pouvoir. Il est certain qu’il va tout tenter pour reprendre la situation en main. Il pourrait faire intervenir des responsables de partis politiques. Reste, cependant, à savoir si tout ce monde parviendra à faire fléchir des militaires visiblement très déterminés. 
Quelle est actuellement la situation sur le plan militaire au Nord- Mali ?

Pour nous, rien n’a changé. La lutte continue. La junte militaire a remis en cause les institutions légales maliennes. Pour notre part, notre lutte ne consiste pas à remettre en cause les institutions du Mali, mais plutôt de remettre en cause la gestion de la communauté de l’Azawad. 
Mais le changement de pouvoir ne risque-t-il pas de remettre en cause les négociations entre le MNLA et le pouvoir malien ?

Il faut dire qu’il n’y a pas de réelles négociations entre les deux parties. Cela se limite à des actions d’émissaires étrangers pour créer un rapprochement. Nous avons affiché, depuis novembre 2011, notre disponibilité à discuter, mais cette offre a été rejetée. 
Les militaires putschistes affirment ne pas disposer d’armement et d’équipements militaires pour faire face à la rébellion touarègue. Pourtant, le gouvernement malien a reçu une importante aide militaire de la part de plusieurs pays occidentaux... 
Sincèrement, nous estimons que c’est un argument fallacieux. L’armée malienne, de par sa taille, ne manque ni d’armes ni d’équipements. Ces dernières années, le Mali a dépensé plus d’argent dans l’achat d’armement que dans le développement. De ce côté-là, les choses sont claires. Le problème se situe au niveau des militaires maliens. La plupart d’entre eux ne s’engagent pas pour faire carrière dans l’armée, mais plutôt pour obtenir une solde. Leur objectif est de gagner un minimum d’argent pour subvenir aux besoins de leurs familles. Finalement, ces militaires ne peuvent pas faire face à des Touaregs qui n’ont pas de salaires mais une réelle motivation et une parfaite connaissance du terrain.
Depuis quelques semaines, on tente d’accuser le Mouvement national de libération de l’Azawad d’entretenir des relations avec Al Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi). A qui profite cet amalgame ?
C’est un amalgame créé et entretenu par une certaine presse à Bamako. Ces journalistes ne connaissent absolument rien au contexte et ne sont jamais venus dans le Nord- Mali. Nous avons dit à maintes reprises qu’il n’existe aucun lien et que notre objectif est double : lutter contre l’armée malienne et les terroristes d’Aqmi présents sur notre territoire et qui salissent l’image des communautés de l’Azwad.
Pourtant, on estime que l’organisation Ansar Eddine, que dirige Lyad Ag Ghalin, entretient des relations avec le MNLA… On ne peut pas dire qu’il existe un mouvement islamiste qui se nomme Ansar Eddine. En tout cas, il n’existe pas concrètement. Par contre, il se peut que Lyad et d’autres encore, qui sont issus de l’Alliance du 23 mai, tentent de récupérer de jeunes Touaregs encore entre les mains de l’Aqmi. Ces jeunes sont victimes d’un égarement mais ils continuent de respecter la vie. Je pense que c’est cette stratégie qui est appliquée sur le terrain. Mais si c’est une autre stratégie qui consiste à donner plus de marge de manœuvre à l’Aqmi, alors nous la combattrons. Mais je reste certain que Lyad n’a aucune envie de s’engager dans une aventure qui n’a pas d’issue.
Les parlementaires français s’intéressent de très près à ce qui se passe au Nord-Mali. C’est bien dans ce cadre que vous avez été reçu par l’Assemblée française ?
La question du conflit a été abordée avec les députés français. Ils estiment nécessaire de trouver une solution politique rapide. Pour eux, il est important que les pays de la région, en particulier l’Algérie, s’associent à la France et à d’autres Etats et interviennent pour aboutir à une solution négociée et barrer la route à l’Aqmi.
T. H.

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