jeudi 29 mars 2012

"L'abandon de la Libye, une erreur fatale"


Le Point.fr - Publié le 29/03/2012 à 12:58

D'après Mahmoud Djibril, ex-Premier ministre du CNT libyen, "tout le monde a disparu dès que le régime s'est effondré".

L'ex-Premier ministre du CNT, Mahmoud Djibril, avait été reçu par Nicolas Sarkozy à l'Élysée en mars 2011.
L'ex-Premier ministre du CNT, Mahmoud Djibril, avait été reçu par Nicolas Sarkozy à l'Élysée en mars 2011. © Marco Longari / AFP
  • Partagez sur Facebook
  •  
  • Partagez sur Twitter
  •  
  •  
  • Partagez sur LinkedIn
  •  
  • Envoyer par email

"C'est une erreur fatale d'abandonner la Libye." C'est phrase, prononcée samedi lors d'un colloque à Bruxelles, est de Mahmoud Djibril. C'est lui qui, il y a un an, le 10 mars 2011, avait été reçu parNicolas Sarkozy. À l'époque, cet ex-économiste du régime de Muammar Kadhafi, devenu émissaire du Conseil national de transition (CNT) libyen, sillonnait les capitales occidentales en quête de légitimité internationale. En France, il avait fait mouche. À l'issue de cette rencontre au sommet, le président français devenait le premier pays à reconnaître le CNT comme "représentant du peuple libyen".
Cette reconnaissance enclenchera, neuf jours plus tard, à l'initiative de Paris et de Londres, l'opération militaire de l'Otan en Libye. Pendant ce temps, Mahmoud Djibril est devenu chef du gouvernement libyen de transition, qui ne va pas hésiter un seul instant à armer les insurgés libyens, notamment à l'aide de la France, contre les forces pro-Kadhafi. Neuf mois plus tard, la Libye est libérée. Muammar Kadhafi n'est plus. Les avions de l'Otan non plus, tout comme Mahmoud Djibril, qui a laissé sa place à Abdel Rahim al-Kib à la tête de la Libye nouvelle. 

Profusion d'armes

Mais les armes, elles, sont toujours présentes, en grand nombre, aux mains des insurgés, désormais rattrapés par leurs origines tribales. S'estimant mal représentés au sein du nouvel exécutif, ces combattants, devenus miliciens, ne sont prêts à rendre leur arsenal sous aucun prétexte. Les nouvelles autorités libyennes avaient pourtant demandé en octobre à l'Alliance atlantique de rester en Libye, le temps que le pays se stabilise ; rien n'y a fait. Grave erreur, le pays semble aujourd'hui sombrer doucement, mais sûrement, vers un inévitable chaos.
"Dès que le régime s'est effondré, tout le monde a disparu" de Libye du côté des pays occidentaux, déplore aujourd'hui Mahmoud Djibril. L'homme n'a pas tort. Tandis que la France et les États-Unis paraissent bien plus préoccupés par leur campagne présidentielle, la Libye risque, elle, d'être divisée en deux. S'estimant lésés par le gouvernement central de Tripoli, des chefs de tribu de la Cyrénaïque, à l'est du pays, pourtant berceau de la révolution, ont annoncé à la surprise générale leur autonomie. Ils ont même désigné un conseil intérimaire parallèle au Conseil de transition.

Risque de partition

Regroupant plus de 80 % de la richesse pétrolière du pays, la Cyrénaïque ne pourra avoir que 60 députés sur 200 dans l'Assemblée nationale qui sera élue en juin. Mardi, un responsable politique favorable à l'autonomie est ainsi allé jusqu'à menacer de fermer le robinet du pétrole si le gouvernement central refusait d'accorder une plus grande représentation à la région. Outre l'Est, le Sud pose également problème. 70 personnes ont été tuées, et 150 blessées dans des combats qui opposent depuis lundi l'ethnie des Toubous à des tribus arabes, dans la ville de Sebha.
Cette ethnie de nomades et de contrebandiers à la peau noire, qui vivent à cheval sur la Libye, le nord du Tchad et du Niger, est accusée par les autres tribus de compter dans ses rangs des combattants étrangers, notamment tchadiens, ayant été payés par Muammar Kadhafi pour réprimer les opposants libyens. Le chef des Toubous, Issa Abdelmajid Mansour, a ainsi dénoncé, dans une déclaration à l'AFP, un "plan de nettoyage ethnique" visant sa tribu, non sans brandir la menace séparatiste.
Pendant ce temps, la production de pétrole dans le pays a atteint son niveau le plus important depuis la révolution, avec 1,45 million de barils par jour. Selon le porte-parole du gouvernement, Nasser al-Manaa, la production d'or noir pourrait atteindre un niveau supérieur à celui d'avant la révolution d'ici la fin de l'année.

Aucun commentaire: