mercredi 21 mars 2012


Au Mali, la rébellion d'une partie de l'armée était prévisible

Des soldats maliens dans les rues de Bamako, le 21 mars 2012.
Des soldats maliens dans les rues de Bamako, le 21 mars 2012.
AFP PHOTO / HABIBOU KOUYATE

Par RFI
Au Mali, une partie de l’armée s’est rebellée mercredi 21 mars 2012. En fin de matinée, une première manifestation a eu lieu dans la caserne militaire de Kati, ville-garnison qui se trouve à 15 kilomètres de Bamako. En plein cœur de la capitale malienne, des soldats ont ensuite investi les locaux de l’ORTM, l’audiovisuel public malien. Ce mouvement de colère des militaires est en lien direct avec les affrontements dans le nord du pays face aux rebelles touaregs. Dans la soirée, des tirs se sont fait entendre près du palais présidentiel à Bamako, opposant la garde présidentielle aux soldats mutins, selon l'AFP.

Le mécontentement d'une partie de l'armée malienne n'est pas une surprise. Depuis plusieurs semaines, la difficulté rencontrée par les militaires maliens face aux Touaregs du Mouvement national pour la libération de l'Azawad (MNLA) avait rendu fébriles les hommes de terrain (et même de nombreux gradés).
Les combats entre l'armée malienne et les rebelles du MNLA ont commencé mi-janvier 2012, et très vite le malaise a été perceptible. Quoiqu'en disent les autorités maliennes et la presse locale, le moral des troupes est très vite tombé au plus bas sur le terrain dans le nord, face aux attaques meurtrières des Touaregs.
Manifestation de jeunes de Kati
Après l'attaque d'Agueloc et le coup de feu terrible des rebelles contre les forces loyalistes, les soldats maliens sont restés ébranlés. Leurs familles aussi : fin janvier, les femmes de militaires avaient organisé une marche. Elles avaient d'ailleurs été reçues par le président.
Bouleversées par le sort réservé à leurs maris et leurs fils, ces femmes dénoncent le manque de moyens et de munitions, et réclament un soutien financier pour les familles des militaires morts au combat.
Il ya quelques jours encore, des jeunes de Kati ont manifesté dans la rue et ont convergé vers le palais de Koulouba. Ils ont été très vite maîtrisés.
Les plus valeureux se plaignent des déserteurs
Selon nos informations, la grogne atteint le plus haut niveau de l'état-major malien, qui s'est délocalisé à Gao pour être au plus près de la base et de la zone de combat. Le chef d'état-major des armées, le général Gabriel Poudiougou, a été rappelé à Bamako le 30 janvier. Il a relaté au chef de l'Etat le mécontentement de ses hommes, qui veulent plus de moyens pour poursuivre la lutte contre les rebelles et reprendre le terrain perdu au nord du pays.
Des militaires rencontrés à Gao disent expressément ne plus avoir le moral. Les plus valeureux se plaignent de ceux qui abandonnent le front et qui, pour certains d’entre eux, désertent l’armée.
A la suite de la prise de Tessalit par le MNLA la semaine dernière, une centaine de militaires maliens ont été rapatriés par l'Algérie sur Bamako. A leur arrivée dans la capitale, le général Poudiougou les a accueillis froidement, en leur enjoignant de rejoindre immédiatement le QG à Gao, faute de quoi ils seraient radiés de l'armée.
Moyens très importants déployés en janvier
Le commandement donne des explications qui n'en sont pas : à titre d’exemple, le colonel El Hadji Ag Gamou a parlé de présence de mines pour justifier le repli des troupes autour du camp d'Amachah à Tessalit. Or, selon des militaires à Gao, il n'y a jamais eu mines dans ce secteur.
L’armée malienne avait déployé dès le début janvier des moyens très importants sur Gao et dans la région de Tessalit pour faire face aux velléités de combats du MNLA : moyens terrestres, blindés, moyens aériens, hélicoptères, avions, MIG-24 et 25.
Et surtout, deux colonels aguerris au terrain hostile du nord du Mali. A savoir le Touareg El Hadji Ag Gamou et l'Arabe Ould Meidou, deux stratèges du nord qui ont avec eux des miliciens connaissant parfaitement le terrain et l'ennemi.
Incontestablement un grand malaise dans l'armée
Qu’à cela ne tienne, tout ne s’est pas passé comme prévu. Très vite, l'armée a été obligée de changer de stratégie et de communication. Officiellement, tout va bien sur le terrain, l'armée progresse et mate le MNLA.
Certes, ces informations sont de bonne guerre. Mais au lieu de regonfler le moral des troupes, elles l'affaiblissent. Les soldats se sentent abandonnés par leur hiérarchie et par le palais présidentiel de Koulouba.
L'armée malienne doit aussi gérer la frustration de soldats sudistes, qui se retrouvent sous les ordres d'officiers originaires du nord. Il s’agit parfois d’anciens rebelles ; les liens hiérarchiques ne sont donc pas toujours faciles à accepter.
Il y a aujourd’hui incontestablement un grand malaise dans l’armée malienne, qui avait pourtant su se distinguer sur d'autres terrains d'opérations en Afrique par le passé.
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