mardi 21 février 2012


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Mahmoud Ag Aghaly (MNLA) : "Donnez nous l’indépendance et ce sera la fin d’Aqmi" au Mali

JEUNE AFRIQUE
mardi 21 février 2012
Ancien enseignant et commerçant, Mahmoud Ag Aghaly est président du bureau politique du Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA). Ex-membre de la rébellion du 23 mai – la rébellion de 2006 menée par feu Ibrahim Ag Bahanga – il revient sur les motivations du MNLA et appelle la communauté internationale à faire pression sur le Mali pour accorder à l’Azawad son indépendance. Interview.
Jeune Afrique : L’Algérie ou encore le Burkina Faso sont prêts à être médiateurs dans la crise malienne, mais au sein du MNLA, certains préfèrent une médiation européenne ou moyen-orientale. Qu’en est-il exactement ?
Mahmoud Ag Aghaly : Nous sommes disposés à parler avec tous les pays qui veulent aider à régler le conflit, qu’ils soient de la sous-région ou d’ailleurs. L’essentiel étant que ce soit des médiateurs qui connaissent la région et ses problèmes, et qui aident à négocier une solution définitive. C’est en ce sens que les pays voisins de l’Azawad sont les bienvenus.
De son côté une délégation de politiciens veut se rendre à Kidal pour obtenir un cessez-le-feu. Ont-ils des chances de réussir ?
Cela dépend du fond des discussions. S’ils viennent pour parler des modalités de l’indépendance de l’Azawad, oui, nous pourrons discuter.
Vous n’avez pas l’air d’être très intéressés par cette initiative.
Parce que depuis 1957, c’est la même chose. À l’époque déjà, les Touaregs avaient dit aux Français [les colonisateurs, NDLR] qu’ils ne voulaient pas être intégrés à la république malienne. Et depuis trente ans, on discute avec le gouvernement, on signe des accords, mais ils restent sans effet. Nous avons voulu être avec Bamako, mais Bamako n’a jamais voulu de nous. Les populations du nord et du sud du Mali sont trop différentes pour composer un état ensemble, comme le Mali et le Sénégal n’étaient pas faits pour être un seul pays. C’est pour ça que nous en appelons à la communauté internationale, afin qu’ils convainquent le Mali de nous donner notre indépendance.
Concrètement, quelles promesses du gouvernement malien n’ont pas été tenues ?
Sur le plan sanitaire, il n’y a presque rien dans le nord, il faut faire des kilomètres pour trouver un dispensaire. L’école, c’est pareil. Ce sont des Touaregs qui mènent des initiatives pour scolariser leurs enfants puisque l’État a démissionné. Ou bien il n’y a qu’à voir depuis quelques années : l’état bitume des routes un peu partout, mais pas dans le nord. Entre les capitale régionales du nord, aucune route n’est goudronnée : de Tombouctou à Gao, de Gao à Kidal, il n’y a pas de goudron !
Mais le Mali n’est pas très riche et il y a des difficultés un peu partout dans le pays. Vous n’avez pas l’impression que prendre les armes est un peu disproportionné ?
Si c’est une question de moyens, alors le Mali devrait être soulagé de nous donner l’indépendance ! Mais nous savons bien qu’au fond, ce n’est pas une question de moyens, c’est une question de gouvernance et de volonté politique.
Si vous avez l’indépendance demain, comment allez-vous développez l’Azawad ?
Nous pouvons développer notre tourisme en valorisant mieux notre culture. Jusqu’à maintenant, c’est le Mali qui tire profit des richesses culturelles des Touaregs.
Vous comptez beaucoup aussi sur le sous-sol de la région...
Merci de poser cette question, parce que beaucoup de gens, notamment dans les pays occidentaux pensent que c’est le but de notre rébellion, ce qui est totalement faux ! Pour nous, c’est une question d’identité, une question de dignité. S’il n’y avait que les richesses du sous-sol, pourquoi l’Érythrée aurait pris les armes contre l’Éthiopie ? Le Sud-Soudan contre le Soudan ? Le Timor oriental contre l’Indonésie ? Les exemples ne manquent pas sur le continent et dans le monde...
En attendant, l’Union africaine, la Communauté économique des états d’Afrique de l’Ouest (Cedeao), la France... Tous condamnent l’usage de la force et appellent à des négociations avec le gouvernement malien. Est-ce que vous n’avez pas peur de vous retrouver seuls ?
Dès novembre 2010, nous avons tenté de faire comprendre aux autorités maliennes et à la communauté internationale la situation catastrophique dans laquelle se trouve l’Azawad. Mais il a utilisé les armes pour que tout le monde entende nos cris. Donc nous respectons la Cedeao, l’UA et la France qui sont les seuls à pouvoir faire entendre raison au Mali. Mais nous leur demandons aussi de ne pas prendre le parti du président ATT qui a échoué dans sa mission. Ils doivent être impartiaux et voir le fond du problème de l’Azawad, car nous luttons pour le bien-être des populations.
Leur bien-être certes, mais il y a tout de même plus de 40 000 déplacés dans les pays voisins. Ça ne vous donne pas envie de mettre balle à terre ?
Merci d’évoquer le problème des réfugiés, parce que ça nous préoccupe beaucoup et j’en profite pour remercier les pays limitrophes et les ONG qui leur apportent de l’aide. Il faut comprendre aussi que ces déplacements sont dus à l’armée malienne. Premièrement, quand ils arrivent dans une ville, il ne font pas la distinction entre civils et combattants et tirent sur tout ce qui bouge. Deuxièmement, les déserteurs qui sont retournés dans les grandes villes se sont mêlés aux manifestations de femmes pour casser et piller les biens de la communauté arabo-touarègue qui y vit. Alors que du côté du MNLA, aucun civil blessé ou tué. Même les militaires, nous les laissons partir quand on les capture.
Le MNLA dément la présence d’Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi) ses côtés, notamment à Aguelhok où vous niez également que des massacres aient été commis. Mais des témoins affirment aussi que des combattants du MNLA crient « Allah Akbar » sur le terrain. Du coup, on se demande si des intérêts communs ne justifient pas des alliances ponctuelles...
Je le dis et je le répète : nous n’avons rien à voir avec Aqmi, nous ne sommes pas des trafiquants de drogue, nous ne sommes pas des bandits ! Pour nous, ce sont des actes qui polluent notre territoire et qui ont perduré à cause des autorités à Bamako. Pourquoi dans des pays comme la Mauritanie ou le Niger, ils n’ont pas de place ? Ces pays ne sont pas plus riches et n’ont pas plus de moyens militaires que le Mali. Mais ici, ces gens bénéficient de soutiens très haut placé. Nous disons à la communauté internationale « donnez-nous l’indépendance et vous verrez : ce sera la fin d’Aqmi, des enlèvements d’Occidentaux et du trafic de drogue ».

Propos recueillis par Malika Groga-Bada
Temoust.fr

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