mardi 8 novembre 2011

Seif al islam est-il réfugié chez les Touareg?

Slate Afrique

La famille Kadhafi entretenait des relations complexes avec les tribus nomades.

Mouammar Kadhafi à Sebha lors d'une cérémonie des Touareg du Mali et du Niger, le 6 octobre 2009. Mahmud Turkia/AFP,
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Pour éviter de subir le même sort que son père, Seif al-Islam Kadhafi se serait réfugié chez les Touareg. Selon Le Figaro, le fils du dictateur libyen serait en route pour rejoindre le chef des renseignements de Kadhafi, Abdullah al-Senoussi, réfugié dans la région de Kidal, au Mali. Hasard ou coïncidence? Les rapports entre les Touareg et la famille Kadhafi ont toujours été complexes.
Ces dernières semaines, les déclarations sur le soutien supposé des Touareg au Guide libyen se sont faites persistantes. Le 23 août dernier, le Conseil national de transition libyen (CNT) déclarait que le colonel Kadhafi se cachait en Libye, près de Ghadamès, où il avait trouvé refuge auprès des Touareg.
Plus récemment encore, Mahmoud Jibril, le chef de l'exécutif provisoire libyen affirmait que Kadhafi «tentait de revenir au pouvoir avec l'aide des tribus touaregues» et comptait «proclamer un État séparatiste dans le Sud». Info ou intox?
Pour Abdoulahi Attayoub, président de la diaspora touarègue en Europe et responsable du site Temoust.org, «le CNT ne comprend pas ce qui se passe au Sahara et pensent que les Touareg sont assimilés à Kadhafi». Pourtant, d'après lui, seulement une minorité d'entre eux serait proche du colonel.
«Les Touaregs qui soutenaient Kadhafi seraient minoritaires. Il s'agirait de Touareg libyens engagés dans les milices armées du dictateur et des Touareg recrutés comme mercenaires en Libye au moment de la guerre».

Touaregs : alliés ou mercenaires de Kadhafi?

Le sort des Touareg serait-il lié au dictateur libyen? Depuis son coup d'État en 1969 qui renversa le régime monarchique de la dynastie al-Sanussi, Mouammar Kadhafi entretient des liens étroits avec les Touareg. Dans les années 70-80, le colonel les aurait utilisé pour mener à bien son dessein, la création des «États-Unis saharo-sahéliens», et les aurait invité à rejoindre la légion islamique libyenne.
Pendant plusieurs années, les Touareg seront envoyés pour le compte de la Libye dans des pays en guerre comme le Liban et le Tchad. A cette occasion, ils recevront une formation militaire: souvent perçue par certains observateurs comme la matrice des futures révoltes touarègues dans le Sahel.
Comment expliquer l'intérêt de Kadhafi pour les Touareg? Selon André Bourgeot, la question demeure complexe. Le directeur émérite au CNRS et spécialiste de la bande saharo-sahélienne avance deux hypothèses:
«Premièrement, Kadhafi, en tant que fils de bédouins se serait reconnu dans les pratiques nomades et pastorales. Ce qui est pradoxal car le guide libyen a mené une politique d'arabisation. Deuxièmement, il aurait cheché du soutien pour appliquer son projet ; la création des États-Unis saharo-sahéliens».
Depuis les débuts de son arrivée au pouvoir, Kadhafi s'est  présenté comme le défenseur et l'allié des Touareg, la Libye servant de refuge aux Touareg lors des sécheresses maliennes et nigériennes des années 70 et 80 et pendant les rébellions de 90. Un rôle de bienfaiteur remis en cause par les Touareg.
«Kadhafi ne les a  jamais soutenu, il les a juste accueilli dans son pays. Le seul rôle qu'il a eu est celui de financeur, mais encore celui-ci reste obscur. Il a donné de l'argent aux leaders nigériens des mouvements touaregs et cela a cassé la rébellion nigérienne»,explique Moussa Bilalan Ag-Ganta, le président du collectif des associations Nord-Niger.
Pour certains d'entre eux, l'arrêt des dernières rébellions touarègues demeure trouble. Elles se seraient stoppées grâce aux accords de paix mais aussi grâce à l'argent de Kadhafi qui aurait acheté les ex-rebelles nigériens à coup de pétro-dollars. Selon André Bourgeot:
«On est un peu dans l'histoire du pompier-pyromane».
Et d'ajouter:
«On peut très bien s'imaginer que Kadhafi, en apportant son soutien aux rebellions touarègues, voulait exercer une pression sur les Etats centraux».
Au Mali, selon Hama Ag Sid'Ahmed, porte-parole et chargé des relations extérieures du Mouvement national de libération de l'Azawad (MNLA), «le guide libyen a toujours été un allié, non pas pour le devenir de la communauté touarègue, mais pour entretenir un partenariat économique qui existe depuis plusieurs années entre Bamako et Tripoli».
Ces dernières années, la Libye a joué les heureux donateurs avec le Mali. Mouammar Kadhafi a réalisé de nombreux investissements notamment concernant le Centre islamique de Hamdallaye à Bamako, la grande mosquée de Ségou, l’aménagement de centaines d’hectares à l’Office du Niger pour aider le Mali à combattre la famine  et l’octroi en 1983 d’une chaîne de télévision.

Kadhafi dans la ligne de mire

Pour Abdoulahi Attayoub, l'intérêt de Kadhafi pour la cause touarègue aurait été calculée, de même que sa supposée origine touarègue.
«Il a joué la carte sentimentale pour asseoir sa légitimité en disant que du côté maternel il avait des ancêtres nigériens et maliens. Mais au final, il a juste les Touaregs à des fins personnelles».
Et la communauté touarègue se serait laissée prendre au jeu. En 2007, les sultans et les dignitaires touaregs avaient décidé de proclamer Mouammar Kadhafi, leader des sultans et «Amghar», leur grand guide. Ces titres avaient été cédés dans le but d'affirmer au monde que les Touareg prêtaient allégeance au guide Kadhafi, se soumettaient à son commandement et mettaient leur avenir entre ses mains.
Au final, aux dires des Touareg, il n'en est rien. La nouvelle de la mort de Kadhafi a plutôt rassuré.
«La chute du colonel libyen est une opportunité pour les Touareg, l'achat de conscience va prendre fin y compris certaines pressions politiques. Sa disparition n'est pas une grosse perte pour les Touareg, plutôt le contraire, excepté pour ceux qui bénéficient des largesses financières pour étouffer la misère de cette communauté», observe Hama Ag Sid'Ahmed.
Reste que certains Touareg demeurent attachés au clan Kadhafi. Pour exemple, l'appui présumé des touaregs à la fuite du fils de Kadhafi et de son chef des renseignements.
Stéphanie Plasse
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