jeudi 23 septembre 2010

Ahmed Akoli. Ancien secrétaire général du Mouvement touareg nigérien:«La situation est confuse et l’avenir compromis»

Ahmed Akoli. Ancien secrétaire général du Mouvement touareg nigérien


«La situation est confuse et l’avenir compromis»

le 23.09.10
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© D. R. 

Installé en Europe, Ahmed Akoli occupait le poste de secrétaire général du Mouvement nigérien pour la justice (MNJ), principale faction rebelle touareg, qui a déposé les armes au début de l’année en cours, après trois longues années de lutte pour un meilleur partage des richesses dans le nord du Niger. Il continue à militer en tant que cadre du mouvement pour la réinsertion de milliers d’anciens combattants touareg.

-Quelle incidence peut avoir l’enlèvement des sept personnes travaillant pour Areva ?

Cet enlèvement attirera certainement l’attention médiatique sur l’ampleur du phénomène de délinquance dans la région. Aussi, il jettera un discrédit sur sa population qui, prise en étau, sera la grande perdante.

-Comment se présente la situation dans la région, notamment avec les actes terroristes d’Al Qaîda ?

Les activités de la vie quotidienne subissent les contrecoups de toutes les formes d’insécurité. La conséquence est visible à travers le ralentissement des échanges, l’arrêt du tourisme et des activités humanitaires, les départs des investisseurs internationaux et autres. Al Qaîda n’avait jusque-là pas opéré dans la région du nord Niger. Elle a fait parler d’elle avec les enlèvements d’expatriés et les accrochages avec l’armée nigérienne dans la région de Tahoua et Tillabéry où on déplore de nombreux morts. La situation est confuse et l’avenir compromis. Il sera incertain si rien n’est fait à temps.

-Quelle explication avez-vous à propos de l’implantation d’un mouvement salafiste violent dans une région où habite une communauté de Touareg connue pour son Islam très tolérant et ouvert ?

Les salafises d’Al Qaîda n’ont pas besoin de l’autorisation des Touareg, connus pour leur tolérance, pour s’installer sur des territoires dont la sécurité et la défense incombent en premier aux Etats. Des Etats qui, faut-il le préciser, leur ont dénié tous les droits, même les plus élémentaires. Cela ne veut pas dire pour autant que les Touareg ne sont pas concernés par la menace de déstabilisation de la région. Eux aussi ont leurs priorités qui sont parfois de l’ordre de leur survie.



-Certains affirment que les enlèvements d’étrangers sont devenus une activité très lucrative, qui a permis l’apparition de mercenaires, notamment parmi les Touaregs qui se lancent à la recherche des «Blancs» pour les vendre à Al Qaîda. Est-ce vraiment le cas ?

Les gens d’Al Qaîda n’ont pas besoin de services de Touareg pour enlever des Occidentaux. Il peut arriver qu’ils proposent un travail à des gens sans scrupules et sans idéal. Avec la pauvreté et le désœuvrement, certains peuvent céder, mais de là, à généraliser, il y a un pas à ne pas franchir. Les bandits existent dans toutes les sociétés pas uniquement chez les Touareg. De ce fait, la communauté n’est pas concernée par les agissements isolés de certains de ses enfants. De plus, il est important de rappeler qu’elle ne peut faire le travail de police à la place des Etats, dont le rôle est de défendre le territoire, les personnes et leurs biens. On peut aussi se demander pourquoi certains Etats, pourtant puissants, restent impuissants face à ce phénomène. Les Touareg ont leurs propres préoccupations.

-Le mouvement a mis fin à la rébellion au début de l’année en contrepartie de certaines conditions, notamment la réinsertion des anciens combattants. Est-ce que cet accord a été exécuté par Niamey ?

Malheureusement cela n’a pas été le cas. Il n’y a pas eu de réinsertion de près de 7000 combattants. Officiellement, le pouvoir de Niamey ne donne aucun début d’application à l’accord, ni du côté du Niger ni de celui de la Libye qui a été partie prenante dans la fin de la rébellion.

-Est-ce que les dirigeants actuels ont apporté du nouveau par rapport au président démis, Tandja ?

Non, rien n’a été fait. Même si on crédite les dirigeants actuels d’une bonne volonté, à œuvrer pour la paix et la stabilité dans le pays, celles-ci tardent à voir le jour…

-Comment voyez-vous l’implication de la Libye et de la France dans les événements qui secouent la région du Sahel ?

Chacun d’eux a sa part de responsabilité dans ce qui se passe actuellement. La Libye a toujours voulu un règlement des conflits sans passer par un diagnostic de la situation. Ses solutions restent superficielles. La France essaye de minimiser ses efforts et de maximiser ses gains, entraînant dans le sillage des bases de divisions profondes au sein des Etats qui sont ses anciennes colonies, et cela la rattrapera un jour.

-Que compte faire le mouvement pour éviter l’isolement total de la région et l’intervention militaire étrangère ?

Nous observons et attendons l’évolution de la situation. Notre mouvement a besoin d’un temps pour digérer ce qui lui arrive avant de faire son autocritique. Il y a des acteurs plus légitimes et de premier plan qui ont beaucoup à perdre dans la dégradation de la situation.

C’est à eux de montrer le chemin. Le conflit nécessite une solution globale. Le jour où il y aura convergence d’intérêt avec le mouvement ce dernier se manifestera.


Salima Tlemçani

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