samedi 20 février 2010

Voyagiste solidaire, Maurice Freund agit pour la paix


Armelle Breton - 11/02/2010-La Vie
Voyagiste solidaire, Maurice Freund agit pour la paix
samedi 20 février 2010

"Le tourisme est une arme de paix. Si nous levons le pied, les régions au sud du Sahara deviendront le lit d’un terrorisme que nous ne saurons plus endiguer."

En ce début 2010, il semble amer, Maurice Freund. À la tête de Point-Afrique Voyages, cela fait 15 ans qu’il voue son énergie à développer un tourisme solidaire, qui profite vraiment aux populations, en leur fournissant revenus et fierté de leur culture. Mais, aujourd’hui, il redoute de voir ses efforts sapés par la « gangrène AQMI » (la branche maghrébine d’al- Qaida), dont les prises d’otages – celle du Français Pierre Camatte, notamment – ont des effets dévastateurs : le reflux des touristes et de leur manne.

Le dépit n’est pourtant pas la marque de fabrique de ce bâtisseur-né, élu en 2009 par l’Association des journalistes de tourisme « personnalité de l’année ». Il suffit de l’écouter raconter son parcours, de sa voix rocailleuse, en détailler ses hauts faits comme ses déboires, pour comprendre qu’à 67 ans cet homme-là n’est pas blasé et que sous le chef d’entreprise brûle toujours l’idéaliste prêt à l’aventure, pour peu qu’elle soit utile, surtout aux plus déshérités. La solidarité, sa ligne de base, ponctuée de deux points, « ses deux vies », comme il dit : Point-Mulhouse et Point-Afrique.

Sa première vie rappellera sans doute des souvenirs agréables aux baby-boomers. C’était en 1963, Maurice Freund a 20 ans et, avec ­des copains, dont Jean-Marie Bockel, il lance la construction du chalet du Point, au Markstein, pour les jeunes et par les jeunes. L’initiative – inédite en France – séduit jusqu’à Europe 1 : 700 auditeurs se proposent de venir travailler gratuitement. L’envie de poursuivre l’aventure en Inde les pousse ensuite à inventer les premiers vols low cost dans une France soumise au monopole d’Air France. L’Alsacien malin trouve l’astuce pour le contourner : embarquer depuis l’aéroport de Bâle-Mulhouse, situé dans l’Hexagone mais géré par les Suisses ! Inde, Mexique, Pérou, en 1977, l’association à but non lucratif dame le pion à Air France avec 11 600 voyageurs pour Lima. Mais jamais elle ne dérogera à son credo solidaire – dans les soutes, on charge des haricots cultivés en Afrique et des pulls tricotés en Amérique latine.

Quant à sa deuxième vie, elle commence en 1995, avec la fondation de Point-Afrique et un premier charter vers Gao, au Mali, que cinq années de guérilla ont rayée des circuits. Son intuition se révèle bonne : 130 touristes font le voyage, redonnant espoir à une population exsangue.

Suivront Ghardaïa et Timimoun, en Algérie, Atar, en Mauritanie, Agadez, au Niger. Chaque destination s’accompagnant de projets concrets : artisanat, hôtellerie, microcrédit, formation… Et, là encore, pas question de transiger. Point-Afrique est une coopérative qui ne distribue aucun dividende.

Entre-temps, Maurice Freund aura aidé Pierre Rabhi à developper son premier jardin expérimental au Burkina Faso. Depuis, les deux hommes ont scellé une alliance de cœur. « Il est mon directeur de conscience », dit Maurice. « C’est un entrepreneur qui construit à partir de l’indignation », répond Pierre. Même écho dans la bouche de la géographe Sylvie Brunel (ex-Mme Besson), qui l’a sollicité pour intervenir dans son master de développement durable Nord-Sud à la Sorbonne. « Il est atypique, innovant, mais aussi avisé en affaires, doté d’un vrai sens de l’anticipation. » Quant à Jean-Marie Bockel, il loue sa capacité d’entraînement, sa grande gueule, aussi, « capable de se mettre en colère et de se réconcilier ». Difficile de trouver une personne pour l’égratigner.

Mais c’est à Maurice Freund que revient la confidence clé : la rencontre avec un missionnaire de Madras venu parler dans son école catholique. Lui, le gamin pauvre – orphelin d’un « Malgré-Nous » mort 6 mois après sa naissance –, a admiré ce père blanc, au point qu’enfant « [il ne rêvait] pas d’être pompier ou aviateur, mais missionnaire ». Mission accomplie… même si, aujour­d’hui, l’insécurité jette une ombre sur son travail. Et quand les autres tour-opérateurs cèdent devant les faibles taux de rentabilité et les surcoûts d’assurance, lui ne se résigne pas à abandonner « ceux qui crèvent de faim ».

Passé

1943 Naissance à Guebwiller (68).

1957 Quitte l’école et entre à l’usine.

1963-1988 L’aventure Point-Mulhouse.

1995 Fonde Point-Afrique.

Présent

2009 Inaugure des vols au départ de Marseille pour économiser du CO2.

Futur

2010 Sera au Niger, une manière de lutter contre son « afghanisation ».

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