dimanche 28 février 2010

Le rock rebelle des Touaregs, à la Tinariwen

SanFrancisco - BayGuardian - 18/02/10
Le rock rebelle des Touaregs, à la Tinariwen
dimanche 28 février 2010


Tinariwen live at Palace of Fine Arts Theatre, San Francisco - Part I

Le contexte politique et social qui a présidé à l’apparition de l’époustouflant groupe de rockers hypnotiques appelé Tinariwen (de « Kel Tinariwen », les « hommes du désert ») est l’une des plus étonnantes de l’histoire des groupes musicaux. Sur scène, ils portent le costume traditionnel et ils écrivent des chansons qui expriment les souffrances, la nostalgie et parfois la joie de l’exil.

L’histoire commence ainsi : En 1963, les Touaregs nomades de la région désertique de l’Adagh des Iforas se soulèvent contre le gouvernement Mali qui venait d’obtenir son indépendance. Pendant la révolte, un homme du nom d’Alhabib ag Sidi, commerçant et entrepreneur, est exécuté pour avoir assisté les rebelles. L’armée détruit ensuite son troupeau de chameaux, de vaches et de chèvres, sous les yeux d’Ibrahim, son fils de quatre ans. Ibrahim pars avec sa famille en exil en Algérie avec l’unique vache qu’il leur reste. L’histoire se poursuit en passant par plusieurs rébellions, par plusieurs diasporas, par Muammar Gaddafi et par l’amour d’Ibrahim Ag Alhabib pour le blues américain.

Mais il y a chez les Tinariwen quelque chose qui va au-delà de la fascination de ce que suggère cette flamboyante narration de l’histoire d’un peuple du monde. Ces sahariens surdoués qui rassemblent deux générations de musiciens (lbrahim Ag Alhabib sera exceptionnellement là pour le concert de SF), ont sur le Web une présence tentaculaire qui ne s’efface pas et qui embrasse d’enthousiasme le statut de dieux de la musique indépendante qui leur a été attribué en même temps que les prix Pitchfork et Uncut Music Award, et ils n’ont pas peur de braver notre attente d’exotisme en délaissant quelque peu les traditions vestimentaires.

C’est le genre de choses qui choque encore les Occidentaux lorsqu’il s’agit de « Musique du Monde » (nous voudrions que chacun de nos héros à la Putumayo reste dans sa propre alvéole, comme un produit Starbuck) mais Tinariwen se la joue cool, en équilibre sur la corde raide entre une musicalité d’avant-garde et la représentation du passé. (Peut-être la dualité parfaite de leur image est ce qui a empêché leurs morceaux d’être repris dans des remix « dance », lesquels sont devenu un must pour presque tous les « musiciens du monde » afin d’améliorer leurs débouchés auprès des Occidentaux. Ou peut-être sommes nous parvenus à dépasser ce stade.)

Mais c’en est assez de l’image, qu’en est-il de la musique ? Nous avons plusieurs guitares électriques blues (pas de basse), des percussions délicieuses et innovantes, une seule voix féminine qui réussit parfois à faire penser qu’elles sont plusieurs, et la voix rauque d’Ibrahim Ag Alhabib qui chante en crooner et parfois monte en flèche. Les rythmes sont amenés lentement, puis amplifiés pour le meilleur effet dynamique, le tumulte cathartique étant réservé à quelques passages clés. C’est un mélange de sons entêtants, comme improvisés, qui souvent tournent à l’enchantement, même sans la toile de fond qui raconte une histoire rarement colportée, celle d’une nouvelle fusion naturelle des styles du monde globalisé (en live, le groupe accueille parfois le public d’un « Bienvenue dans le désert »).

Pour son quatrième album, Imidiwan (« Compagnons » World Village, 2009), Tinariwen a interrompu ses tournées mondiales et est revenu à ses racines pour enregistrer dans son village natal de Tessalit, au Mali, pour essayer de canaliser le blues du désert en lui donnant une dimension plus intime. Le résultat est une virtuosité collective, peut-être un peu moins viscérale que dans les albums précédents, qui exprime comme un soulagement, celui d’être revenu chez soi après avoir vu le monde, peut-être d’avoir eu tant de succès. Le premier morceau, « Imidiwan Afrik Temdam » est une ritournelle entêtante qui pourrait rivaliser en authenticité avec le « Soldier of Love » de Sade qui dessine un désert chic. « Tenhert » est un morceau de rap touareg où les mains battent le rythme.

Le son à la fois intime et ample va aussi bien aux grandes scènes comme celle du Festival de Glastonbury qu’aux plus petites comme Yoshi’s ou le Palace of Fine Arts où ils ont souvent joué. Que vous soyez venu pour élargir votre horizon musical, pour apprendre la technique des pros du riff, ou simplement pour danser sur des morceaux géniaux, vous serez surpris probablement de vous voir happés par la musique qui vous transportera, et il n’est pas besoin pour cela d’avoir suivi des cours d’anthropologie.

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Traduction française : Anne Saint Girons

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