lundi 25 janvier 2010

Le président malien s'en prend à ses voisins, au lieu de leur tendre la main


Tribune des lecteurs (quotidien algérien) du 25 01 2010

La bombe Sahel au bord de l'explosion

Par Mohamed Abdoun

A l'occasion de la célébration du 49ème anniversaire de la naissance de l'armée malienne, le président de ce pays, Amadou Toumani Touré (ATT pour les intimes), s'est fondu d'un discours qui, le lendemain, a fait les choux gras de la presse locale.
Globalement parlant, ce président, dont le pays est devenu la principale, sinon la seule zone de repli des terroristes du GSPC, semble refuser catégoriquement la main tendue de ses voisins, optant au contraire pour une politique basée sur la confrontation, et dont il ne peut que sortir vaincu et amoindri.
Alors que nous savons, de la manière la plus formelle qui soit, que le nord du Mali est devenu la zone de repli des terroristes, que ceux-ci y ont trouvé leurs aises au point de procéder à des recrutements dans les rangs des tribus locales et que mêmes les six otages européens sont détenus dans cette zone, ATT semble avoir opté pour la voie de la confrontation… diplomatique avec des voisins qui, pourtant, peuvent apporter une précieuse aide dans la lutte contre ce fléau. Le président malien, dans son discours, donne l'air d'avoir pris ombrage de la déclaration faite par on ne sait qui, selon laquelle le Mali, son armée précisément, ne disposerait pas des moyens nécessaires, en vue de combattre le phénomène du terrorisme en vue de le vaincre, ou bien de le bouter hors de ce pays.
Par delà cette polémique, en apparence stérile, sachant pour commencer que l'armée malienne s'est en effet montrée incapable de lutter efficacement contre ce fléau, y compris sur le strict plan du renseignement et de la collecte d'informations, force est de dire que le prétexte paraît pour le moins irrecevable. ATT, qui fait face à une nouvelle fronde de la part des tribus touareg, lesquelles lui reprochent de n'avoir pas mis en application le fameux accord d'Alger, semble en effet reprocher à l'Algérie d'avoir reçu sur son territoire les représentants de ces tribus, en vue de remettre sur rails le processus en cours, et même d'inviter les officiels maliens à revenir enfin à la table des négociations. Si, officiellement, Bamako n'a pas encore réagi à la rencontre d'Alger, qui a duré plusieurs jours et qui semble avoir été couronnée d'un total succès (en effet, même le célèbre chef de guerre, Ibrahim Ag Bahanga, réputé proche de Tripoli, y a dépêché des représentants à lui, avant d'annoncer sa prochaine venue à Alger, en vue d'intégrer le processus en cours), la presse locale, qui représente en quelque sorte la " voix de son maître ", a violemment critiqué l'initiative. Pourtant, comme l'a si bien confirmé le porte-parole du mouvement, Hamma Ag Sid Ahmad, en visite dans notre rédaction, la lutte contre le terrorisme, mais aussi le grand banditisme, qui ont fait jonction, créant ce que notre journal avait qualifié le premier de " gangsterrorisme ", " une lutte efficace contre ces fléaux passe nécessairement par les tribus touareg ". D'ailleurs, l'accord d'Alger prévoyait la mise en place d'unités spéciales, parfaitement intégrées à ces régions, et capables de lutter efficacement aussi bien contre le terrorisme que contre le grand banditisme et la contrebande. Mais, il semble que la méfiance de Bamako vis-à-vis de ces tribus l'ait empêché de mener à bien un projet bénéfique pour tous, et accepté par toutes les parties dans l'accord d'Alger.
La sortie d'ATT, qui donne le ton de ce que pense Bamako actuellement, annonce hélas que la situation n'est pas prêt de s'améliorer dans le futur immédiat. Pis encore, si les experts eux-mêmes s'accordent à dire que le terrorisme dans ces zones désertiques et difficiles d'accès, ne sera certainement pas vaincu à court terme, le risque est grand de voir les Touareg eux-mêmes opter de nouveau pour la voie des armes, devant le durcissement de ton de la part des autorités maliennes. La bande sahélo-saharienne se trouve sur une véritable poudrière. Notre journal, qui l'annonçait en exclusivité il y a de cela près d'un mois, ne peut que craindre que la situation se dégrade plus encore depuis que Bamako semble avoir décidé de tourner le dos à ses alliés et amis, pour opter en faveur d'une fuite en avant qui n'augure rien de bon. Face à cette situation, quasi inédite, la question se pose avec acuité de savoir qui peut bien avoir intérêt à ce que le Mali, pièce maîtresse dans l'échiquier sahélo-saharien, décide de se couper du monde et de s'enfoncer inexorablement dans les profondeurs de l'enfer…
M. A.
http://tribune-lecteurs.com/event.html

Aucun commentaire: