jeudi 13 août 2009

Mali et Niger : Cette gangrène appelée rébellion touarègue11 août 2009, 23:14



La scène se déroule en mai 2007. Assis à l’ombre d’un arbre, Moussa Ghali, 30 ans, éleveur dans la vie civile le jour et rebelle la nuit, nettoie rageusement son arme tout en ruminant : « J’ai des frères en prison à Niamey, d’autres sont morts gratuitement, tués par des militaires alors qu’ils n’ont rien fait. Rien du tout si ce n’est demander plus de justice pour le peuple touareg du Niger. Réclamer seulement une meilleure redistribution des richesses nationale et être tué pour cela, ça ne se passera pas comme ça ! »

La détermination de ce rebelle montre, si besoin en est, qu’au-delà de toute considération, la rébellion touareg reste une gangrène à l’échelle sous-régionale et en particulier pour le Niger et le Mali.

En effet, le nord du Mali et celui du Niger restent douloureusement secoués par ce qu’il est convenu désormais d’appeler « conflit touareg », conflit qui a commencé en mai 1990 au Niger entre de jeunes Touaregs armés, les Ishomars, et les forces armées nigériennes (FAN), et qui s’est étendu au Mali à partir de juin de la même année par suite de l’arrestation des jeunes touaregs qui avaient participé à une attaque au Niger, laquelle avait fait des victimes.

Visiblement, la naissance de ces rébellions presque au même moment ne semble aucunement être le fait d’un simple hasard vu que les régions du nord du Mali et du Niger présentent bien de similitudes. Hormis le fait d’être sur le plan historique d’anciennes colonies françaises, ayant à peu près la même superficie, ces deux pays sont traversés tous par le fleuve Niger. Toujours sur le plan naturel, le massif Adrar au Mali (qui reste une sorte de no man’s land) a son prolongement, l’Air, sur le territoire nigérien, tous deux habités par les mêmes peuples, qui s’estiment délaissés du pouvoir central.

On se souvient encore qu’à la veille des indépendances de ces deux Etats, les Touaregs étaient partagés entre la volonté de se constituer en un Etat indépendant et celle de faire partie des pays que la division des frontières coloniales rendait voisins. Et si, du côté nigérien, le pouvoir en place a presque toujours fait usage de la force pour anéantir toute volonté de revendication, le Mali, quant à lui, est allé dans le sens de l’apaisement, par exemple, par la prise de décisions concrètes en ce qui concerne le financement pour le retour à l’emploi des jeunes ressortissants du Nord.

C’est connu que l’oisiveté peut pousser bien de jeunes Touaregs à s’engager dans la lutte armée. C’est d’ailleurs, entre autres, en raison de cette volonté d’apaisement de Bamako que la région de Kidal, dans le septentrion malien, a toujours eu un statut spécial en matière de projets de développement. C’est ainsi qu’avec le soutien des partenaires au développement, plusieurs milliards de nos francs y sont investis dans le social pour développer les infrastructures de cette région.

S’agissant du Niger, on se souvient encore qu’après quelque temps d’accalmie, en mars 2007, une nouvelle rébellion embrasait la partie septentrionale du pays. Et la gestion de ce conflit par le Président Mamadou Tandja ainsi que les violences aveugles qui en ont découlé ont favorisé le développement, l’intensification et la radicalisation de la lutte armée, devenue aux yeux des populations touarègues une alternative légitime. Avec le soutien de médiateurs multilatéraux et bilatéraux, certains Touaregs nigériens regroupés au sein du Front patriotique nigérien (FPN) ont accepté d’aller à la table des pourparlers.

C’est ainsi qu’en février 2009, le FPN entamait avec l’Etat du Niger des rounds de pourparlers pour un retour définitif à la paix avec l’appui de la grande Jamahiriya libyenne, désignée par le gouvernement du Niger comme unique médiateur dans le règlement de ce conflit.

A l’issue de discussions organisées en avril 2009 à Syrte, un engagement solennel en faveur de la paix avait été pris par toutes les parties présentes devant le Guide de la révolution, président en exercice de l’Union africaine et haut médiateur de l’espace SEN-SAD.

Mais le retour définitif à la paix était conditionnée à la libération par les autorités du Niger de toutes les personnes détenues du fait de ce conflit et à l’octroi d’une prime aux combattants démobilisés, que le Guide s’était engagé à verser pour contribuer à leur réinsertion économique. C’est pour tout cela que la date du 30 juin 2009 avait été choisie d’un commun accord pour la cérémonie officielle de remise des armes.

Plus d’un mois après la démobilisation, les engagements pris par le Guide libyen sont restés lettre morte. Occupé qu’il était à tripatouiller la Constitution pour réussir son référendum du mardi 04 août dernier, le président Mamadou Tandja ne se souciait guère de pousser son frère et ami Moamar Kadhafi à bien vouloir délier les cordons de la bourse et avait, par conséquent, relégué aux calendes grecques les engagements qu’il avait pris devant témoins.

Pis est, l’élargissement des rebelles emprisonnés semble se faire au compte-goutte. Cela, on l’imagine aisément, a eu pour conséquence immédiate de donner des raisons supplémentaires aux va-t-en guerre pour ressortir leurs armes et également de mettre dans leurs petits souliers tous les pacifistes touaregs qui s’étaient voués corps et âme à un véritable retour de la paix dans cette partie du monde. Véritablement, le laxisme observé du côté de la partie nigérienne dans le traitement de ce dossier a fini de jeter le doute sur sa volonté de faire de ce pays un havre de paix et de quiétude sociale.

Ce qui n’a rien d’étonnant quand on connaît la position du président Tandja vis-à-vis de ces rebelles touaregs, qu’il qualifiait naguère de bandits armés qu’il fallait réduire par les armes.

Mais que l’on soit au Niger ou au Mali, l’équation touarègue semble appeler une solution globale au niveau de la sous-région ; même s’il faut reconnaître que Bamako a déjà fait une bonne partie du chemin …vers la paix.

Boureima Diallo
L’Observateur-Burkina

saharamedia

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