samedi 25 juillet 2009

Touaregs algeriens/Donnez nous nos droits ou sortez nous d’Algérie »


samedi 25 juillet 2009.

NDLR : ce reportage de Lahiani Othmane avait été publié le 1er avril passé, mais vu l’intérêt qu’il suscite, en Algérie et, particulièrement, en Europe, sa publication sur la version française d’El Khabar s’avère pertinente.

« Note que je suis algérien ... le numéro de ma carte nationale est inconnu », il nous est permis d’emprunter ce vers d’un poème célèbre, du poète Mahmoud Derouiche ; il sied pour la circonstance ; il résume ce que vivent des milliers de Touaregs algériens, au niveau de Tamanrasset, Ain Guezam Tinzaouatine, Abelssa...en plus des touaregs, qui résident encore à Raou et Taoua au Niger, ou bien à Agadis, au Mali.

Ces citoyens qui se disent algériens, sont interdits d’avoir un acte de naissance, une carte nationale d’identité, de certificat de nationalité ou de carte d’électeurs.

Ils sont privés de droits, politique et civil, parce que le pays pour lequel, ils se sont sacrifiés pendant la révolution, ou au service de la nation, ne parviennent pas à avoir la nationalité algérienne, ni une carte nationale, à cause d’une « erreur » judiciaire, une « erreur » administrative ou une décision politique ou alors, pour des considérations sécuritaires.

Au premier abord, nous avons cru que ces personnes, qui se sont rassemblées devant une liste, accrochée, sur le mur de la commune de Tamanrasset, sont des bénéficiaires de logements sociaux, mais notre surprise était grande, quant nous avons su que c’était une liste de Touaregs, à qui les pouvoirs ont refusé le droit d’inscription, dans une liste électorale, pour le motif de « non éligibilité à l’extrait de naissance », délivré par le consulat algérien, au niveau de Gao, au Mali ou à Agadis, au Niger ou par le service de l’état civil du ministère des affaires étrangères, à Alger, en faisant appel contre la légitimité et dans l’Algérianité de titulaires de ce document.

Des scènes dramatiques caractérisent les rues, les coins et recoins et les cités, de la ville de Tamanrasset et même les régions éparpillées dans le désert algérien et aux frontières avec le Mali et le Niger.

Ce sont des algériens de père et de mère algériens, mais ils sont privés de droits civils et politiques, comme le stipule la constitution.

El Khabar a pu collecter des informations, de plusieurs sources officielles ; elles font état du nombre de ces touaregs qui errent au Sahara, à la recherche d’eau et de pâturage, pour leurs cheptel ; ils sont 17 milles algériens.

Pourtant, ils avaient tous été enregistrés sur les registres de l’état civil, des communes de Tamanrasset, Tinzaouatine, Ain Guezam, ainsi que d’autres consulats Algérien des pays frontaliers.

Ce sont des personnes issues de familles Touareg, nomades de leur état qui se déplaçaient de Tamanrasset vers toutes les directions, en fonction des périodes et des saisons, depuis les années soixante, du siècle dernier, mais surtout dans les années soixante dix, quand ils avaient vécu, les pires moments d’une sécheresse implacable, les ayant poussé à errer, dans les étendues désertiques, à la recherche de quoi se nourrir et nourrir leurs chameaux et leurs troupeaux de moutons.

Cette situation est à l’origine de l’enregistrement tardif des naissances de leurs enfants, dans les registres de l’état civil, dans les communes de Tam, Tinzaouatine, Ain Guezam, Ablissa et bien d’autres encore, ou dans les consulats algériens des pays limitrophes.

Comment puis-je penser aux études sans nationalité ? Mohammed Ouled Bekay, est un jeune étudiant, au niveau de l’Institut des sciences économiques de Delly Ibrahim, à Alger, qui avait fait militance pour la cause des « touaregs nées à l’étranger ».

Les préoccupations de cet étudiant, pour le problème de documents d’identité et de droits civils, prennent le dessus sur ses études, « quant la préoccupation principale est de pouvoir avoir le certificat de nationalité, sans difficulté, ainsi qu’un droit de vote et un numéro de carte d’identité, personne ne peut se concentrer sur les études, ni sur autres choses, d’ailleurs », il précise qu’il tente, depuis plusieurs années, auprès de plusieurs institutions, comme le président de l’Assemblée Populaire Communale, de Tamanrasset et les responsables, au niveau du tribunal de Tamanrasset, pour trouver une réponse positive ou bien un moyen susceptible de dénouer cette état de fait et régler par la même le problème de ces frères et sœurs et d’un grand nombre d’algériens, nés au Mali et au Niger, mais en vain.

Avec amertume et déception, Mohammed raconte que lui et ses deux sœurs, Fatma et Aicha, sont nés à Gao, au Mali, au moment où sa famille avait décidé de se déplacer, à cause des années de sécheresse. Il dit qu’ils avaient été enregistrés sur les registres de l’état civil, des services consulaires algériens.

Sa faille a du, par la suite, rejoindre définitivement Tamanrasset. Au moment de demander les certificats de nationalité, et les documents d’identité, ils avaient été surpris par le refus du tribunal qui avait invoqué une irrégularité des extraits de naissance, issus des services consulaires, du ministère des affaires étrangères à Alger.

Notre interlocuteur affirme qu’il avait multiplié les demandes et les réclamations, auprès du juge de l’état civil, au niveau du tribunal de Tamanrasset, en présentant tous les documents et les textes réglementaires, certifiant l’authenticité de ses extraits de naissance, notamment les références d’inscription, au niveau du consulat algérien au Mali.

Le juge avait, quand même, refusé de reconnaître les documents, « ce refus m’a poussé à présenter mes documents au niveau de la ville de Djanet, dans la wilaya d’Illizi, où j’ai pu retirer tous les documents d’identité, sans aucune difficulté, j’ai même présenté les mêmes papiers que le juge de Tamanrasset avait refusé », avait déclaré Ouled Bekay.

Après deux mois de son inscription, au niveau des services du ministère de l’intérieur et des collectivités locale, notre interlocuteur s‘est étonné de voir le ministère des affaires étrangères accepter son dossier et le ministère de la défense le convoquer pour le service national, alors que le tribunal et les pouvoirs publics, de la wilaya de Tamanrasset refusent d’accepter ses documents, en aggravant ainsi la situation des touaregs, nées à l’étranger.

Il se dit choqué par le fait « que le ministère de la défense me convoque pour le service national et que le tribunal de Tamanrasset refuse de m’attribuer la nationalité. Ce document que des Etats attribuent aux citoyens qui justifient d’une résidence de quelques années ou bien qui ont servi le pays.

Alors, dit-il, « qu’on nous donne nos droits, ou bien qu’on demande à l’armée de nous renvoyer du pays, si nous ne sommes pas algériens. » Le visage ridé d’Ibrahim Ettermizi, exprime le drame qu’il vit depuis plus de 30 ans.

Ibrahim vivait dans la région de Gao, au Mali, située à 1300 km de Tamanrasset, c’est un père de 12 enfants, tous interdits de posséder des documents d’identité, provenant de Tamanrasset, bien qu’ils soient tous nés, en Algérie. Ce refus est justifié par le fait que le père est né à Gao.

Ibrahim Ettermizi affirme qu’il tente depuis 19 ans, et plus précisément, depuis le mois de janvier 1990, de régulariser la situation de ses enfants, au niveau du tribunal de Tamanrasset, qui a refusé de reconnaître les documents officiels qu’il avait présentés, après les avoir retirés du consulat Algérien, à Gao.

Il avait mentionné qu’il avait demandé des audiences aux responsables du ministère de a justice, notamment le responsable de l’état civil, qui a confirmé l’authenticité des documents présentés. Notre interlocuteur a affirmé qu’il s’est rendu, également, au tribunal de Sidi M’hamed, à Alger, afin d’inscrire ces enfants, par le biais d’un jugement de rectification, mais le tribunal avait confirmé que cette action n’est pas nécessaire, vu que ces documents proviennent d’institutions officielles de l’Etat, selon la loi en vigueur qui stipule que les tribunaux et institutions sont tenues de reconnaître les documents émanant d’institutions officielles diplomatiques algériennes.

Ettermizi s’est interrogé sur le fait que la commune de Tamanrasset et la commission administrative, présidée par un juge du tribunal, avaient refusé de l’inscrire, et d’inscrire ses 12 enfants, dans la liste électorale de 2009, alors qu’ils étaient inscrits dans les listes de 2002, et de 2007.

Il a invoqué également un triste évènement relatif au juge, un certain Mokhtar Bechani, qui lui avait rétorqué « vous devez remercier Dieu, je vous fais une faveur, en vous permettant de retirer le certificat de nationalité »

Mr. Elhemmal Mokhtar, un autre natif de la région de Gao, au Mali, est adepte de la Tarika Cantiya Kadriaya, et qui avait appris des anciens récits de grandes valeurs.

Mr. Elhemmal est marié et père de quatre enfants, mais les autorités de la commune de Tamanrasset ont refusé d’enregistrer son acte de mariage, suite au refus du tribunal de Tamanrasset de reconnaître l’authenticité de l’extrait de naissance, bien qu’il soit enregistré au niveau des services consulaires du ministère des affaires étrangères.

Les extraits de naissance des, premier, deuxième, et troisième, grand-père de ces derniers sont aussi enregistrés au niveau des services consulaires.

Elhammel s’est interrogé « comment se fait-il que ce juge, qui m’a délivré un certificat de nationalité, en 2008, est lui-même, le juge qui a signé le refus de mon inscription dans les listes électorales depuis quelques jours. Face à ce problème, Elhemmal, pense si intensément à l’avenir de ses quatre enfants, qu’il vit une situation de stress permanent.

Il nous affirme qu’il est en possession d’un passeport algérien, d’une carte d’identité nationale, et d‘un permis de conduire, ainsi que la carte du service national, qu’il avait effectué au niveau de Barika, dans la wilaya de Batna, mais les autorités, refusent, toujours, de reconnaître sa citoyenneté algérienne. Il évoque « Barak Obama, dont la grand-mère vit toujours au Kenya, et qui a réussi d’être élu président des Etats Unies d’Amérique, et nous, algériens de pères en fils, ayant accompli le service national, ne sommes toujours pas reconnus comme algériens »

Laakbaoui Bekkaye, vit, lui aussi, dans la même situation, vu qu’il est né à Gao, les autorités de la wilaya refusent de reconnaître sa citoyenneté, suite au refus de reconnaître les extraits de naissance, délivrés par les services consulaires algériens.

Lahcene et ses deux sœurs, vivent le même embarras, depuis 1994, vu qu’ils sont nés à Gao. Lahcene affirme que le juge a demandé les certificats de nationalité, à partir d’autres wilayas, tel qu’ « Illizi, et Adrar ».

Le plus surprenant, c’est que les personnes nées au Mali et au Niger parviennent à avoir leurs documents, au niveau d’Adrar et d’Illizi, ainsi que de la capitale, à l’exception de la wilaya de Tamanrasset, où ils résident. Il s’est interrogé, si cette wilaya fait l’exception d’une loi individuelle de l’état civil, car ces difficultés n’existent pas au niveau des autres wilayas »

Le nœud de l’article 99 du code de l’état civil. Le président de la cour de Tamanrasset, nous a reçu, et nous a précisé que cette question est purement administrative, et n’a aucune origine politique, ou autre. L’article 99 du code de l’état civil algérien est claire, il stipule qu’il est indispensable de procéder au retrait d’un jugement du tribunal de Sidi M’hamed, à Alger, vu qu’il est le seul tribunal habilité, au vu de la loi, à enregistrer des actes de l’état civil (à postériori), relatives au personnes nées, à l’étranger, en cas de retard, lié à l’enregistrement des services consulaires algériens.

Il affirme qu’« il n’est pas permis de nier la nationalité ou bien la citoyenneté des touaregs, nés à l’étranger, les documents qu’ils présentent ne portent aucun vice, mais la loi, et les instructions du ministère de la justice stipulent clairement d’arrêter de fournir les documents d’identité, et les certificats relatifs à l’état civil aux touaregs nomades, jusqu’à ce qu’ils régularisent leurs situation, au niveau du tribunal de Sidi M’hamed, à Alger »

Le procureur de la république, près du tribunal de Tamanrasset, qui reçoit chaque jour des dizaines de touaregs, ayant le même problème, certifie, de sont coté, que les consulats algériens, au niveau du Mali et du Niger, sont responsables de ces complications. Il précise, qu’il se doit d’appliquer la loi, en sa qualité de magistrat, sans aucune entrave ».

Par ailleurs, il avoue que le problème est complexe, et représente une dimension humanitaire. C’est au ministère de la justice de revoir le code de l’état civil, et d’aboutir à une solution, nous, nous ne faisons qu’appliquer la loi, telle qu’elle est » Le procureur a fait référence à des textes de loi et des instructions du ministère de la justice relatives aux naissances, à l’étranger, ainsi que certaines instructions communes, entre le ministère de l’intérieur et celui de la justice. Si la loi et les autorités ont leur poids, les coutumes et les institutions civiles représentent aussi une force Nous avons interrogé le sage des touaregs, considéré également comme leader au sein de cette tranche de la société, Ahmed Adabir, qui est également parlementaire.

Adabir succède, au parlement, au fils du défunt El Hadj Moussa Akhamoukh, qui était en conflit, en ce qui concerne la situation des touaregs, nés à l’étranger, et qui subissent les conséquences malheureuses de la non reconnaissance de leurs documents officiels.

Ahmed Adabir a affirmé qu’il suit le dossier de prés, en collaboration avec le ministère des affaires étrangères, et le ministère de la justice. Il déclare avoir organisé des réunions, avec le secrétaire général du ministère des affaires étrangères, en vue d’enregistrer les naissances du Mali et du Niger, dans le registre de l’état civil de la centrale, par le biais du système informatique.

Cette procédure permettra aux natifs, à l’étranger, de retirer leurs documents, au niveau de Tamanrasset, en toute facilité. Il ajoute également qu’il veillera, au niveau du ministère de la justice, à assouplir cette situation au niveau du tribunal de Tamanrasset, et au dénouement de ce problème. Problème humanitaire, .....dossier sécuritaire ou affaire politique ?

Nous avons frappé à toute les portes, et nous avons présenté un dossier complet, soutenu de photos et de documents, au niveau du ministère de la justice et celui des affaires étrangères, ainsi qu’au parlementaire Mahmoud Kemama, en vue de faire réagir les pouvoirs publics, en la matière. Nous avons obligé le parlement à signer l’accusé de réception, pour qu’il assume toute responsabilité, relative au dossier.

Yahia Tehayet, technicien dans le domaine de l’aviation, est concerné, également, par cette affaire d’identité. Il précise que la situation des Touaregs, nés à l’étranger, devient de plus en plus complexe, au fur et à mesure que la situation sécuritaire et sociale évolue, dans les régions du sud.

Mahmoud Okba Kenta, licencié en communication, en 2005, journaliste, ayant déjà exercé, à la radio de Tamanrasset, a subi, lui aussi, les conséquences du problème de citoyenneté, même son diplôme universitaire, n’a pas pu lui servir pour régulariser sa situation, et celle de ses frères, nées à Agadis, au Niger.

Mohammed pense que ce problème est lié à la situation civil des touaregs, nés à l’étranger, pourra prendre des dimensions complexes, vu que la nouvelle génération des touaregs a commencé à se stabiliser et à abandonner la vie nomade. Cette génération n’accepte pas de vivre dans l’anonymat, ou bien dans l’oubli.

« La nouvelle génération de touaregs est lettrée, et se compose d’une élite cultivée. Si cette situation dure, des dangers sécuritaires et politiques complexes pourront faire surface, puisque le problème d’une seule personne, aujourd’hui, sera le problème de toute une famille demain, et si ce problème concerne 100 ou 1000 personnes, aujourd’hui, il concernera 500 ou bien 5000 personnes demain »

Il ajoute que la majorité des touaregs exercent le commerce extérieur avec les pays voisins, tel que le Mali et le Niger et manipulent l’économie de la région saharienne, ils possèdent des propriétés et des fonds.

Les isoler ne servira pas l’intérêt de l’Algérie » Mahmoud Kenta a affirmé que les touaregs, nés au Mali et au Niger, se sentent visés par cette exclusion, pour des raisons politiques et sécuritaires obscures.

Quelques parties pourront duper les pouvoirs, et œuvrer pour le prolongement de ce problème, en mettant cette tranche des touaregs, à l’écart de la scène politique et en leur barrant le chemin, de la participation aux élections.

Mahmoud a évoqué un événement qui s’est déroulé pendant les élections législatives, de 1997, quand des centaines de touaregs, exclus des listes électorales, se sont rassemblés, au niveau du siège de la commune de Tamanrasset.

Un haut responsable est alors intervenu, pour obliger les pouvoirs publics à les inscrire, afin d’éviter un problème de sécurité qui pourrait prendre une autre tournure.

Il mentionne qu’il avait abordé des responsables de la sécurité, au niveau de la wilaya, ceux-ci ont exprimé leur volonté d’intervenir, auprès du pouvoir central, afin de dénouer définitivement cette crise.

Selon Mahmoud Kenta, le problème des touaregs, nés à l’étranger, touche les résidents de la wilaya de Tamanrasset seulement. Les touaregs natifs à l’étranger, résident dans les autres wilayas du pays, tel qu’Illizi, Adrar et Ghardaïa, ainsi que les daïras d’Ain Guezam, Ai Salah, Bordj Badji Mokhtar, ne rencontrent aucun problème, quant au retrait de documents. Pourquoi Tamanrasset fait exception.... ? »

Notre interlocuteur affirme que les touaregs nées à l’étrangers ont décidé de préparer un dossier complet, en vue de le transmettre au président de la République, Abdelaziz Bouteflika, ainsi qu’aux institutions des droits de l’homme, pour solliciter une intervention, et une éventuelle pression sur les pouvoirs, pour le dénouement de cette crise, qui dure déjà depuis plusieurs décennies.

El Khabar

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