mardi 11 novembre 2008

Tinariwen & le Collectif Tchinaghen dans le dernier numéro des Inrockuptibles :URANIUM CONTRE TOUAREGS



En septembre 2007, le correspondant de RFI à Niamey. Moussa Kaka, fut arrêté pour complicité d'atteinte à la sécurité de l'Etat. Son crime? Etre entré en contact avec les représentants des populations touarègues qui sont installées dans le Nord-Niger. Région dont le sous-sol détient un des plus importants gisements d'uranium d'Afrique.
Ces populations, victimes de spoliations et d'exactions de la part du gouvernement nigérien, sont aujourd'hui contraintes il l'exode et fuient leurs villages en abandonnant leurs cheptels pour s'entasser dans des bidonvilles près de la Irontière algêl'ienne.
Le collectif Tchinaghen s'est constitué pour alerter, informer, mobiliser sur cette situation.
www.tchinaghen.org

Tinariwen, "Live in London"/Group Inerane, "Guitars from Agadez"

Filmés à Londres en pleine gloire (Tinariwen) ou enregistrés à l’arrache au fin fond du Sahara (Group Inerane), les guitaristes touaregs reviennent à l’assaut.

Comme à Paris quelques jours plus tôt, les Tinariwen avaient mis des baïonnettes au bout des guitares pour envahir la scène du Shepherds Bush Empire de Londres. Lors de ce concert, en décembre 2007, leurs chansons se déployaient selon une stratégie bien rodée, précise, efficace. Par exemple Cler Achel, titre clef de leur dernier album Aman Iman, où Ibrahim commence par égrener les quelques notes qui en composent le motif central. La guitare rythmique d’Intidao appuie cette première salve avec une volée de riffs, autant de coups de sabre qui ont pour effet d’ouvrir le passage au chant principal, au contre-chant et au tambour. Enfin, dernier à monter à l’assaut, Eyadou finit d’enfoncer les lignes adverses avec sa basse canon. Encerclé, le public n’a alors plus d’autre choix que de se rendre et suivre en captivité les magnétiques Touaregs, qui portent la fierté d’âme avec la même classe que le chèche.

Filmé par Darren Simon, ce fameux concert de Shepherds Bush sort aujourd’hui en DVD avec de nombreux bonus. On y trouvera un mini documentaire tourné dans la région de Kidal, fief du groupe, et une longue et passionnante interview d’Ibrahim où ce dernier raconte les circonstances de son exil, les raisons qui l’ont poussé à rejoindre la rébellion et la manière dont Tinariwen s’est formé dans un camp d’entraînement militaire en Libye. Eyadou donne aussi quelques conseils sur la meilleure façon de nouer un chèche.

Pour ceux qui ont découvert le groupe avec The Radio Tisdas Sessions en 2002, ce film sera édifiant, tant sur le chemin parcouru que sur les raisons de leur succès à travers le monde. Car, plus efficace et plus pro, Tinariwen n’en reste pas moins terriblement poignant, jamais séparé, jusque dans les lointains septentrions, de cet excédent de bagage impalpable, de cette solitude dont on dit qu’elle est le puits d’où chaque poète du désert tire son inspiration : l’äsouf. L’äsouf étant susceptible de se changer en un djinn (génie malveillant), le nomade a d’autant plus de raison de conserver son chèche sur la tête, qui, déjà, le protège du soleil et du sable. Ailleurs l’äsouf, "cette tristesse du diable", s’appelle "blues", ou "saudade", mais se rapporte à un même sentiment de vide "où se mêle le souvenir encore vibrant d’une présence." (Chants Touaregs de Dominique Casajus, Albin Michel, 1997) "J’ai passé une saison en marche, lié aux êtres aimés par la tourmente de mes pensées", chante Ibrahim dans Cler Achel. Cette solitude et cette errance inapaisée, Ibrahim et les membres fondateurs les ont connues intimement alors qu’ils participaient à des opérations commandos pendant la rébellion des années 80. Ces sentiments les lâchent d’autant moins que 2008 a vu le feu de la rébellion reprendre dans la région de l’Adrar, mais aussi dans celle du Tamesna, entre Mali et Niger, d’où nous arrive Group Inerane.

Comme l’a révélé la récente compilation Ishumar, Tinariwen a été à l’origine d’une véritable révolution culturelle, qui s’est ensuite propagée à travers tout le pays touareg au moyen de la seule guitare électrique. C’est Ibrahim, le premier, qui a branché la musique traditionnelle touareg sur l’ampli du rock pour en faire un style qu’adapte aujourd’hui la nouvelle génération. De Bibi Ahmed, leader d’Inerane, on sait peu de choses sinon qu’il a lui aussi converti à la guitare un répertoire de chansons, certaines dues à son mentor Abdallah Oumbadougou. Le son de l’instrument, particulièrement crasseux, évoque le rock garage le plus liminaire, surtout assorti d’une batterie caverneuse et d’une petite basse cour de choristes survoltée. Ce premier album, qui devrait ravir ceux qui aiment leur musique from the crypt, nous ramène ainsi à cette période charnière où les Tinariwen enregistraient des cassettes dans la clandestinité, au risque d’y laisser leur peau. Ces cassettes servaient ensuite de tracts, incitant les jeunes des campements au soulèvement.

La situation que connaît le nord Niger aujourd’hui est d’une gravité sans précédent, en raison des nombreux gisements d’uranium qui s’y trouvent. Il y a 15 ans, les Tinariwen abandonnaient la mitraillette pour la guitare. A les voir sur scène, ou à écouter l’album d’Inerane, pas sûr que l’intention était vraiment de désarmer.

Tinariwen - Live in London (Independiente/Pias)

Francis Dordor
9 novembre 2008

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