vendredi 24 octobre 2008

Niger, Issouf ag Maha : J’accuse



vendredi 24 octobre 2008

Le gouvernement de la 5ème République a malheureusement réussi ce dont nous ont épargné les différents régimes qui se sont succédés au Niger depuis les indépendances. Même le régime brutal et dictatorial du feu Général Seyni Kountché a su observer durant ses treize ans de règne une attitude humaine vis-à-vis du sacré.

Comment en sommes-nous arrivés là ? Le régime du président Tandja a, on se le rappelle, annoncé la couleur dès les premiers événements de février 2007. Les populations locales, tétanisées par la crainte de voir surgir un nouveau conflit dont elles ont gardé un souvenir des plus cauchemardesques, ont vite plaidé pour la paix et le retour du calme. Comme pour prouver à l’opinion que ceux qui ont par le passé opté pour la paix et l’unité nationale ne sont que des incapables, notre gouvernement s’est focalisé sur la manière forte et a vite fait de semer la panique tous azimuts au sein de la population. Les arrestations arbitraires, les tortures et les exécutions sommaires sont devenues une règle dans une région désormais sous régime militaire.

Comme pour pousser le bouchon à l’extrême, nos autorités tentent une pratique d’un autre âge, celle de conditionner l’opinion publique en semant la haine et le mépris.

On se rappellera toujours de cette conférence radiotélévisée animée par les tristement célèbres Nouhou Arzika et Ben Omar et par laquelle les deux personnages ont tenté d’embraser le pays en faisant usage des moyens de l’Etat et des medias publics. Lors de ce débat précipitamment organisé, il a été ouvertement proposé au peuple nigérien de se débarrasser pour de bon d’une partie de lui-même. Ils ont préconisé une épuration ethnique. 48 heures pour régler de manière définitive l’épineuse question du Nord.

Par la grâce du tout puissant, le peuple nigérien, épris de paix et de sagesse, a volontairement évité ce triste rendez vous de l’histoire. Malheureusement, nous constatons avec beaucoup d’amertume que si l’Etat du Niger a échoué dans ses lamentables provocations à l’endroit du peuple, il a réussi sa manœuvre chez les porteurs de tenue. Ceux-ci, conditionnés et stimulés par le caractère ethnique de la rébellion, (qualificatif que leurs responsables mettent en avant pour les dédouaner des actes immondes qu’ils leur permettent de commettre à l’égard de la population évoluant sur le site du conflit), se donnent à cœur joie à des méthodes comparables à celles utilisées naguère au Rwanda par d’autres frères qui eux aussi vivaient pourtant en harmonie. Comment comprendre de nos jours, qu’une armée républicaine massacre de paisibles citoyens dès lorsqu’elle croise ceux-ci en dehors des agglomérations ? Comment comprendre que ces mêmes soldats soient récompensés et décorés par la nation à chaque fois qu’ils commettent des actes aussi avilissants ?

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Comment comprendre que le régime de la 5ème république réussisse en moins de 24 mois à rendre banale une telle barbarie ? Comment comprendre que, malgré l’éducation religieuse et le patriotisme supposés de nos soldats, l’image de la mort et du meurtre devienne à leurs yeux le symbole de la gloire et de la satisfaction ? Comment admettre qu’un régime qui se veut issu du peuple opère un tel lavage de cerveau à nos soldats au point d’en faire des machines de mort, prête à broyer leurs propres concitoyens, ceux avec qui ils sont sensés partager le meilleur et le pire, l’assurance et le doute ? Comment admettre que des hommes politiques, pour la majorité profondément humains, observent un silence complice face à une aussi grave dégradation de nos valeurs morales et républicaines ? Comment admettre que le gouvernement de la 5ème république veuille finir son mandat avec des mains maculées de sang. Comment admettre que l’homme à qui les Nigériens ont accordé leur confiance se complaise aujourd’hui dans la haine, la désolation, la détresse et la mort d’une partie de son peuple. Comment admettre que la communauté internationale et en particulier la France, obnubilée par le souci de préserver ses intérêts au Nord-Niger, se rende complice d’actes contraires à la valeur et à la dignité humaine ?

Comment comprendre que, sous couvert de la souveraineté nationale, les pays amis, l’Union africaine et la CEDAO admettent qu’un homme aveuglé par le pouvoir et la haine commette à travers son armée, des actes criminels qui seront de toute évidence jugés par l’histoire ? Au nom des populations du Nord-Niger, j’accuse le gouvernement du Niger de meurtre de plusieurs centaines d’innocents. J’accuse la communauté internationale toute entière de complicité et d’indifférence à l’égard de notre détresse et notre anéantissement.

Issouf Ag MAHA Maire du departement de Tchirozerine.

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